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trouvé des dents molaires de différentes espèces dans d’autres morceaux de cette même masse[1]. »

Par cet exemple des cavernes de Bareith, où les ossements d’animaux dont elle est remplie se trouvent incrustés et même pénétrés de la matière pierreuse amenée par la stillation des eaux, on peut prendre une idée générale de la formation des ostéocolles animales qui se forment par le même mécanisme que les ostéocolles végétales[2], telles

  1. Description des cavernes du margraviat de Bareith, par Jean-Frédéric Esper, in-folio, p. 27.
  2. M. Gleditsch donne une bonne description des ostéocolles qui se trouvent en grande quantité dans les terrains maigres du Brandebourg : « Ce fossile, dit-il, est connu de tout le monde dans les deux Marches, où on l’emploie depuis plusieurs siècles à des usages tant internes qu’externes… On le trouve dans un sable plus ou moins léger, blanc, gris, rouge ou jaunâtre, fort ressemblant à l’espèce de sable qu’on trouve ordinairement au fond des rivières : celui qui touche immédiatement l’ostéocolle est plus blanc et plus mou que le reste… Quand, dans les temps pluvieux, cette terre, qui s’attache fortement aux mains, vient à se dissoudre dans les lieux élevés, les eaux l’entraînent en forme d’émulsion dans les creux qui se trouvent au-dessous… Elle ne diffère guère de la marne, et se trouve attachée au sable dans des proportions différentes… Mais plus le sable est voisin des branches du fossile, plus la quantité de cette terre augmente ; il n’y a pas grande différence entre elle et la matière même du fossile : on trouve aussi cette terre dans les fonds et même sous quelques étangs, etc…

    » Les vents, les pluies, etc., en enlevant le sable, laissent quelquefois à découvert l’ostéocolle… Quelquefois on en trouve çà et là des pièces rompues… Quand on aperçoit des branches, on les dégage du sable avec précaution, et on les suit jusqu’au tronc qui jette des racines sous terre de plusieurs côtés…

    » Tant que le tronc entier est encore renfermé dans le sable, la forme du fossile ne l’offre aux yeux que d’un côté, et alors elle représente assez parfaitement le bas du tronc d’un vieil arbre… Les racines descendent en partie jusqu’à la profondeur de quatre à six pieds, et s’étendent en partie obliquement de tous côtés… Le tronc du fossile, dont la grandeur et l’épaisseur varient, doit sans doute son origine au tronc de quelque arbre mort, et en partie carié, ce qui se prouve suffisamment par la lésion et la destruction de sa structure intérieure…

    » Les racines les plus fortes sont plus ou moins grosses que le bras ; elles s’amincissent peu à peu en se divisant, de sorte que les dernières ramifications ont à peine une circonférence qui égale une plume d’oie. Pour les productions papillaires des racines, elles ne se trouvent en aucun endroit du fossile, sans doute parce que leur ténuité et la délicatesse de leur texture ne leur permet pas de résister à la putréfaction… On trouve rarement les grosses racines pétrifiées et durcies dans le sable, elles y sont plutôt un peu humides et molles ; et exposées à l’air, elles deviennent sèches et friables…

    » La masse terrestre, qui, à proprement parler, constitue notre fossile, est une vraie terre de chaux, et, quand on l’a nettoyée du sable et de la pourriture qui peuvent y rester, l’acide vitriolique, avec lequel elle fait une forte effervescence, la dissout en partie. La matière de notre fossile, lorsqu’elle est encore renfermée dans le sable, est molle ; elle a de l’humidité ; sa cohérence est lâche, et il s’en exhale une odeur âcre, assez faible cependant ; ou bien elle forme un corps graveleux, pierreux, insipide et sans odeur ; tout cela met en évidence que la terre de chaux de ce fossile n’est point du gravier fin, lié par le moyen d’une glu, comme le prétendent quelques auteurs.

    » Mais lorsqu’on peut remarquer dans la composition de la matière de notre fossile quelque proportion, elle consiste, pour l’ordinaire, en parties égales de sable et de terre de chaux.

    » Ce fossile est dû à des troncs d’arbres dont les fibres ont été atténuées et pourries par l’humidité… Il se forme dans ces troncs et dans ces racines des cavités où s’insinuent facilement, par le moyen de l’eau, le sable et la terre de chaux qu’elle a dissous : cette terre, entrant par tous les trous et les endroits cariés, descend jusqu’aux extrémités de