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gravier, mais celles qui contiennent une très grande quantité de coquilles et de pointes d’oursins, qui offrent cette espèce de cristallisation en forme de grains de sel, et l’on peut observer qu’elle paraît être toujours en plus gros grains sur la surface qu’à l’intérieur de ces pierres, parce que les grains dans l’intérieur sont toujours liés ensemble.

Ce suc pétrifiant qui pénètre les pierres des bancs inférieurs, qui en remplit les cavités, les joints horizontaux et les fentes perpendiculaires, ne provenant que de la décomposition de la matière des bancs supérieurs, doit, en s’en séparant, y causer une altération sensible : aussi remarque-t-on dans la pierre des premiers bancs des carrières, qu’elle a éprouvé des dégradations ; on n’y voit qu’un très petit nombre de points brillants ; elle se divise en petits morceaux irréguliers, minces, assez légers, et qui se brisent aisément. L’eau, en passant par ces premiers bancs, a donc enlevé les éléments du ciment spathique qui liait les parties de la pierre, et en même temps elle en a détaché une grande quantité d’autre matière pierreuse plus grossière, et c’est de ce mélange qu’ont été composées toutes les congélations opaques qui remplissent les cavités des rochers ; mais lorsque l’eau chargée de cette même matière passe à travers un second filtre, en pénétrant la pierre des bancs inférieurs dont le tissu est plus serré, elle abandonne et dépose en chemin ces parties grossières, et alors les stalactites qu’elle forme sont du vrai spath pur, homogène et transparent. Nous verrons ci-après que, dans les pierres vitreuses comme dans les calcaires, la pureté des congélations dépend du nombre des filtrations qu’elles ont subies, et de la ténuité des pores dans les matières qui ont servi de filtre.





DE L’ALBÂTRE

Cet albâtre, auquel les poètes ont si souvent comparé la blancheur de nos belles, est tout une autre matière que l’albâtre dont nous allons parler : ce n’est qu’une substance gypseuse, une espèce de plâtre très blanc, au lieu que le véritable albâtre est une matière purement calcaire[NdÉ 1], plus souvent colorée que blanche, et qui est plus dure que le plâtre, mais en même temps plus tendre que le marbre. Les couleurs les plus ordinaires des albâtres sont le blanchâtre, le jaune et le rougeâtre ; on en trouve aussi qui sont mêlés de gris, et de brun ou noirâtre. Souvent il sont teints de deux de ces couleurs, quelquefois de trois, rarement de quatre ou cinq ; l’on verra qu’ils peuvent recevoir toutes les nuances de couleur qui se trouvent dans les marbres sous la masse desquels ils se forment.

L’albâtre d’Italie est un des plus beaux ; il porte un grand nombre de taches d’un rouge foncé sur un fond jaunâtre, et il n’a de transparence que dans quelques petites parties. Celui de Malte est jaunâtre, mêlé de gris et de noirâtre, et l’on y voit aussi quelques parties transparentes. Les albâtres, que les Italiens appellent agatés, sont ceux qui ont le plus de transparence et qui ressemblent aux agates par la disposition des couleurs. Il y en a même que l’on appelle albâtre onyx, parce qu’il présente des cercles concentriques de différentes couleurs ; on connaît aussi des albâtres herborisées, et ces herborisations sont ordinairement brunes ou noires. Volterra est l’endroit de l’Italie le plus renommé par ses albâtres : on y en compte plus de vingt variétés différentes par les degrés de transparence et les nuances de couleurs. Il y en a de blancs à reflets diaphanes, avec quelques veines noires et opaques et d’autres qui sont absolument opaques et de couleur assez terne, avec des taches noires et des herborisations branchues.

  1. Il existe en effet deux sortes d’albâtres : l’une est un carbonate de chaux, dit fibreux (albâtre antique) ; l’autre est un sulfate de chaux saccharoïde.