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Les lits de ces pierres de seconde formation ne sont pas aussi étendus ni aussi épais que ceux des anciennes et premières couches dont ils tirent leur origine, et ordinairement les pierres elles-mêmes sont moins dures, quoique d’un grain plus fin ; souvent aussi elles

    ment ramifiés. Les lamelles calcaires, les parois des chambres isolées sont conservées à l’état de calcaire grenu, mais les chambres elles-mêmes, les canaux de ramification et les branches qu’ils donnent, occupés pendant la vie par le protoplasma de l’animal, sont remplis de serpentine et de minéraux semblables. » (Credner.) [Note de Wikisource : Il s’est avéré à la fin du xixe siècle que l’Eozoon canadense n’était qu’un pseudo-fossile ; il s’agit en réalité d’une structure d’origine inorganique, présente dans des roches métamorphisées à très hautes pression et température, et que l’on date aujourd’hui de 1,1 milliards d’années.]

    Dans les séries huroniennes du premier âge, on trouve encore des masses puissantes de calcaires plus ou moins cristallins, blancs ou gris ou rouges, souvent dolomitiques. Près de la limite inférieure de la série huronienne du Michigan, on trouve un groupe de calcaires dolomitiques atteignant 600 à 1 000 mètres d’épaisseur, très nettement stratifiés et alternant, en certains points, avec de minces lits de quartzite. Il est permis de supposer que tous les calcaires des formations archaïques sont d’origine animale et que la structure plus ou moins cristalline qu’ils présentent n’est due qu’aux transformations qu’ils ont subies depuis cette époque reculée. Quoique les formations archaïques ne présentent qu’un petit nombre de fossiles (l’Eozoon canadense dans les formations laurentiennes, quelques graptolithes, de très rares débris de crinoïdes et un petit nombre de fucoïdes dans les formations huroniennes), ces fossiles appartiennent à des espèces animales et végétales suffisamment élevées, pour qu’on soit obligé d’admettre que le règne animal et le règne végétal dataient déjà de plusieurs milliers et même de plusieurs millions de siècles. Si nous ne retrouvons plus les traces de ces organismes dans les terrains de la période archaïque et particulièrement dans les calcaires, si ces derniers se présentent à nous avec un aspect cristallin, il faut donc l’attribuer, sans nul doute, à ce que les fossiles ont été détruits et à ce que le calcaire a été transformé soit par l’eau, soit par la chaleur, soit par les deux simultanément ou consécutivement. Cette double action est d’autant plus certaine que la période archaïque a été manifestement marquée par un grand nombre de bouleversements de la surface du sol, d’affaissements et de soulèvements, d’éruptions volcaniques, etc., tous phénomènes qui exercent une action métamorphique considérable sur les terrains qui en sont le siège. [Note de Wikisource : Il est difficile de faire correspondre les formations laurentienne et huronienne de Credner aux divisions chronologiques actuellement reçues, d’autant plus qu’il y a recoupement de fait entre ces formations, et entre l’huronien et les périodes inférieures de notre Paléozoïque actuel. La période paléozoïque de Credner correspond quant à elle à peu près à notre Paléozoïque actuel (541-252 Ma), à ceci près que le Cambrien, qui en constitue environ les cinquante premiers millions d’années, en est rejeté ; c’est précisément au Cambrien qu’apparaissent les fossiles cités ci-dessus, ce qui a motivé le rattachement du Cambrien au Paléozoïque. Si le début du Cambrien (541 Ma) marque une diversification soudaine du vivant, l’auteur avait raison de penser que l’apparition de la vie était bien antérieure : les plus anciennes et indiscutables traces de vie sur Terre ne sont pas à proprement parler des organismes fossiles, mais des récifs fossilisés, les stromatolithes, dont la structure et la composition attestent qu’ils ont été édifiés par des bactéries ; ils datent au moins de 3,4 milliard d’années.]

    S’il est permis de croire que tous les calcaires de la période archaïque ont été fabriqués par les animaux, quoiqu’ils n’en contiennent plus que de rares traces, cette conclusion s’impose d’elle-même, en ce qui concerne les calcaires de la période paléozoïque, pendant laquelle les animaux aquatiques, notamment les animaux à coquilles calcaires, prirent un développement extrêmement considérable. La seule faune silurienne, c’est-à-dire celle de la formation la plus inférieure de la période paléozoïque, comprend 161 protozoaires, 507 cœlentérés, 500 échinodermes, 1 611 trilobites, 1 650 brachiopodes, 895 gastéropodes, etc. Et ce qui prouve que l’évolution des animaux était déjà fort avancée, c’est qu’on rencontre dans la formation silurienne un grand nombre d’invertébrés supérieurs et de vertébrés inférieurs, par exemple 1 454 céphalopodes, 154 annélides, 318 crustacés entomostracés et 37 poissons. [Note de Wikisource : Ces chiffres sont largement sous-estimés.] Les calcaires se retrouvent, du reste, en assez grande quantité dans chacune des formations paléozoïques ; moins abondants relativement dans les formations siluriennes, ils augmentent d’importance dans la formation dévonienne, et surtout dans la formation carbonifère et dans la formation permienne qui représente la dernière phase de ce deuxième âge du globe. La façon dont se produisent les couches calcaires est rendue très manifeste pendant les périodes carbonifère et dévonienne de l’âge paléozoïque. Dans les régions où les terrains de ces périodes sont aussi développés que possible, on trouve tout à fait à la base : du calcaire contenant des fossiles marins formé par le dépôt de tests calcaires dont une grande partie se dissout. Ce calcaire s’est manifestement déposé sur le sol de mers profondes. Puis, le sol de ces mers s’est soulevé et il s’est déposé, au-dessus du calcaire, auquel on donne le nom de calcaire carbonifère, des couches de conglomérats et de grès qui ont tous les caractères des formations actuelles des rivages ; ce qui permet de croire que ces grès et ces conglomérats se sont déposés après l’émersion, sur le rivage des parties soulevées. La période d’émersion, ayant été suivie d’une période de statu quo très longue, interrompue par des affaissements et des soulèvements alternatifs peu importants, il s’est déposé au-dessus des grès de rivage des couches de végé-