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Il est vrai que nous ne voyons pas d’assez près la composition intérieure de ces terribles bouches à feu, pour pouvoir prononcer sur leurs effets en parfaite connaissance de cause ; nous savons que souvent il y a des communications souterraines de volcan à volcan ; nous savons seulement aussi que, quoique le foyer de leur embrasement ne soit peut-être pas à une grande distance de leur sommet, il y a néanmoins des cavités qui descendent beaucoup plus bas, et que ces cavités, dont la profondeur et l’étendue nous sont inconnues, peuvent être en tout ou en partie remplies des mêmes matières que celles qui sont actuellement embrasées.

D’autre part, l’électricité me paraît jouer un très grand rôle dans les tremblements de terre et dans les éruptions des volcans. Je me suis convaincu par des raisons très solides, et par la comparaison que j’ai faite des expériences sur l’électricité, que le fond de la matière électrique est la chaleur propre du globe terrestre[NdÉ 1] ; les émanations continuelles de cette chaleur, quoique sensibles, ne sont pas visibles, et restent sous la forme de chaleur obscure, tant qu’elles ont leur mouvement libre et direct ; mais elles produisent un feu très vif et de fortes explosions, dès qu’elles sont détournées de leur direction, ou bien accumulées par le frottement des corps. Les cavités intérieures de la terre contenant du feu, de l’air et de l’eau, l’action de ce premier élément doit y produire des vents impétueux, des orages

    conduit ou du cratère du volcan, peut donner à la force d’expansion une puissance suffisante pour expulser un courant de lave massive. L’éruption terminée, survient une période de repos pendant laquelle de nouvelles provisions de calorique montent du foyer intérieur et fondent peu à peu des masses nouvelles de roche, en même temps que l’eau de la mer ou celle de l’atmosphère descend de la surface dans les cavités inférieures ; jusqu’à ce qu’enfin toutes les conditions requises pour une nouvelle explosion se trouvant parfaites, une autre série de phénomènes se reproduise dans un ordre tout à fait semblable. »

    Le fait de la pénétration de l’eau dans les cavernes souterraines d’où s’échappent par les volcans les laves fondues a été démontré d’un grand nombre de façons. Fouqué a constaté que les vapeurs rejetées par l’Etna ont leur composition chimique identique à celle qui leur convient, quand on attribue leur formation à la décomposition de l’eau de la mer et de ses gaz. On a trouvé dans le tuf qui recouvre Pompéi et qui est formé de lave rejetée par le Vésuve, une quantité considérable de tests siliceux de diatomées et de protozoaires qui ne peuvent provenir que de l’eau ayant pénétré dans le volcan et ayant ensuite été rejetée par lui.

    [Note de Wikisource : En réalité, la pénétration d’eau de mer ou d’eau météorique dans les volcans est très rare ; l’eau détectée dans les laves ou les fumées provient, soit du magma lui-même, enrichi en éléments volatils, lors de sa production (c’est en particulier le cas aux bords des océans, où la plaque océanique, chargée d’eau, se déshydrate en s’enfonçant sous la plaque continentale) ou de sa remontée (cas de contamination du magma par les roches carbonatées de la croûte), soit de nappes d’eau souterraines, eau souvent salée en bord de mer, situées au-dessus de la chambre magmatique. Dans le premier cas, l’éruption est due souvent au dégazage du magma, qui provoque une augmentation de la pression sur les terrains sus-jacents jusqu’à leur rupture ; dans le second cas, l’éruption est en fait une explosion de la nappe souterraine, qui est brutalement vaporisée par la chaleur du magma arrivé à son voisinage, sans que pour autant il y ait de contact entre le magma et l’eau phréatique.]

  1. Berzélius émis la proposition inverse ; il a attribué la chaleur à l’union des deux électricités de nom contraire. Mais, à l’heure actuelle, l’hypothèse des deux électricités est à peu près généralement abandonnée et la manière de voir de Berzélius n’est plus admissible. Ce qui reste vrai, c’est que la chaleur peut produire l’électricité, de même que l’électricité peut produire de la chaleur, ou, pour mieux dire, l’électricité peut se transformer en chaleur et la chaleur peut se transformer en électricité, toutes les deux n’étant, comme la lumière, que des formes particulières du mouvement moléculaire de la matière.

    Quoi qu’il en soit, l’électricité joue, sans nul doute, un rôle de la plus haute importance dans les phénomènes volcaniques comme dans tous les autres phénomènes chimiques. Des courants magnétiques d’une grande intensité sont produits dans le globe terrestre par les changements périodiques que l’on observe dans les taches solaires, et certains géologues pensent que ces courants pourraient bien être pour notre planète la cause d’une production de chaleur capable de compenser les pertes qu’elle subit par le rayonnement. [Note de Wikisource : Ces vues sont totalement erronées : l’électricité ni le magnétisme n’ont aucune part au déclenchement des éruptions, ni à la chaleur propre du globe. Les « courants magnétiques » observés sont produits par les mouvements du noyau métallique liquide de la Terre, qui donnent naissance au champ magnétique terrestre ; celui-ci est perturbé par les orages magnétiques solaires (dont les périodes de forte activité se signalent par la recrudescence des taches solaires), mais sans jamais être vaincu par ces derniers. Quant à la chaleur interne du globe, elle est entretenue en majeure partie par la désintégration des éléments radioactifs du manteau.]