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L’établissement de toutes les matières métalliques et minérales a suivi d’assez près l’établissement des eaux ; celui des matières argileuses et calcaires a précédé leur retraite ; la formation, la situation, la position de toutes ces dernières matières, datent du temps où la mer couvrait les continents. Mais nous devons observer que le mouvement général des mers ayant commencé de se faire alors comme il se fait encore aujourd’hui d’orient en occident, elles ont travaillé la surface de la terre dans ce sens d’orient en occident autant et peut-être plus qu’elles ne l’avaient fait précédemment dans le sens du midi au nord ; l’on n’en doutera pas si l’on fait attention à un fait très général et très vrai[1], c’est que dans tous les continents du monde, la pente des terres, à la prendre du sommet des montagnes, est toujours beaucoup plus rapide du côté de l’occident que du côté de l’orient ; cela est évident dans le continent entier de l’Amérique, où les sommets de la chaîne des Cordillères sont très voisins partout des mers de l’ouest et sont très éloignés de la mer de l’est. La chaîne qui sépare l’Afrique dans sa longueur, et qui s’étend depuis le cap de Bonne-Espérance jusqu’aux monts de la Lune, est aussi plus voisine des mers à l’ouest qu’à l’est. Il en est de même des montagnes qui s’étendent depuis le cap Comorin dans la presqu’île de l’Inde, elles sont bien plus près de la mer à l’orient qu’à l’occident ; et si nous considérons les presqu’îles, les promontoires, les îles et toutes les terres environnées de la mer, nous reconnaîtrons partout que les pentes sont courtes et rapides vers l’occident et qu’elles sont douces et longues vers l’orient ; les revers de toutes les montagnes sont de même plus escarpés à l’ouest qu’à l’est, parce que le mouvement général des mers s’est toujours fait d’orient en occident, et qu’à mesure que les eaux se sont abaissées, elles ont détruit les terres et dépouillé les revers des montagnes dans le sens de leur chute, comme l’on voit dans une cataracte les rochers dépouillés et les terres creusées par la chute continuelle de l’eau. Ainsi tous les continents terrestres ont été d’abord aiguisés en pointe vers le midi par les eaux qui sont venues du pôle austral plus abondamment que du pôle boréal ; et ensuite ils ont été tous escarpés en pente plus rapide à l’occident qu’à l’orient dans le temps subséquent où ces mêmes eaux ont obéi au seul mouvement général qui les porte constamment d’orient en occident.


  1. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.