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aucun fragment, aucun indice du genre calcaire, quoiqu’elles soient enfermées entre des masses de pierres entièrement calcaires. Cette autre mine, qui contient un nombre si prodigieux de débris de coquilles marines, même des plus anciennes, aura donc été transportée avec tous ces débris de coquilles, par le mouvement des eaux, et déposée en forme de sédiment par couches horizontales ; et les grains de fer qu’elle contient et qui sont encore bien plus petits que ceux des premières mines, mêlées de cailloux, auront été amenés avec les coquilles mêmes. Ainsi le transport de toutes ces matières et le dépôt de toutes ces mines de fer en grains se sont faits par alluvion à peu près dans le même temps, c’est-à-dire lorsque les mers couvraient encore nos collines calcaires.

Et le sommet de toutes ces collines, ni les collines elles-mêmes, ne nous représentent plus à beaucoup près le même aspect qu’elles avaient lorsque les eaux les ont abandonnées. À peine leur forme primitive s’est-elle maintenue ; leurs angles saillants et rentrants sont devenus plus obtus, leurs pentes moins rapides, leurs sommets moins élevés et plus chenus, les pluies en ont détaché et entraîné les terres ; les collines se sont donc rabaissées peu à peu, et les vallons se sont en même temps remplis de ces terres entraînées par les eaux pluviales ou courantes. Qu’on se figure ce que devait être autrefois la forme du terrain à Paris et aux environs : d’une part, sur les collines de Vaugirard jusqu’à Sèvres, on voit des carrières de pierres calcaires remplies de coquilles pétrifiées ; de l’autre côté vers Montmartre, des collines de plâtre et de matières argileuses ; et ces collines, à peu près également élevées au-dessus de la Seine, ne sont aujourd’hui que d’une hauteur très médiocre ; mais au fond des puits que l’on a faits à Bicêtre et à l’École Militaire, on a trouvé des bois travaillés de main d’homme à soixante-quinze pieds de profondeur ; ainsi l’on ne peut douter que cette vallée de la Seine ne se soit remplie de plus de soixante-quinze pieds seulement depuis que les hommes existent ; et qui sait de combien les collines adjacentes ont diminué dans le même temps par l’effet des pluies, et quelle était l’épaisseur de terre dont elles étaient autrefois revêtues ? Il en est de même de toutes les autres collines et de toutes les autres vallées : elles étaient peut-être du double plus élevées, et du double plus profondes dans le temps que les eaux de la mer les ont laissées à découvert. On est même assuré que les montagnes s’abaissent encore tous les jours, et que les vallées se remplissent à peu près dans la même proportion ; seulement cette diminution de la hauteur des montagnes, qui ne se fait aujourd’hui que d’une manière presque insensible, s’est faite beaucoup plus vite dans les premiers temps en raison de la plus grande rapidité de leur pente, et il faudra maintenant plusieurs milliers d’années pour que les inégalités de la surface de la terre se réduisent encore autant qu’elles l’ont fait en peu de siècles dans les premiers âges.