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correspondance de ces couches et par celle des bancs de pierres calcaires qui les surmontent de chaque côté du vallon. Ces bancs calcaires ont cinquante-quatre pieds d’épaisseur, et leurs différents lits se trouvent correspondants et posés horizontalement à la même hauteur au-dessus de la couche immense d’argile qui leur sert de base et s’étend sous les collines calcaires de toute cette contrée.

Le temps de la formation des argiles a donc immédiatement suivi celui de l’établissement des eaux : le temps de la formation des premiers coquillages doit être placé quelques siècles après ; et le temps du transport de leurs dépouilles a suivi presque immédiatement ; il n’y a eu d’intervalle qu’autant que la nature en a mis entre la naissance et la mort de ces animaux à coquilles. Comme l’impression de l’eau convertissait chaque jour les sables vitrescibles en argiles, et que son mouvement les transportait de place en place, elle entraînait en même temps les coquilles et les autres dépouilles et débris des productions marines, et, déposant le tout comme des sédiments, elle a formé dès lors les couches d’argile où nous trouvons aujourd’hui ces monuments, les plus anciens de la nature organisée, dont les modèles ne subsistent plus : ce n’est pas qu’il n’y ait aussi dans les argiles des coquilles dont l’origine est moins ancienne, et même quelques espèces que l’on peut comparer avec celles de nos mers, et mieux encore avec celles des mers méridionales ; mais cela n’ajoute aucune difficulté à nos explications, car l’eau n’a pas cessé de convertir en argiles toutes les scories de verre et tous les sables vitrescibles qui se sont présentés à son action ; elle a donc formé des argiles en grande quantité, dès qu’elle s’est emparée de la surface de la terre : elle a continué et continue encore de produire le même effet ; car la mer transporte aujourd’hui ses vases avec les dépouilles des coquillages actuellement vivants, comme elle a autrefois transporté ces mêmes vases avec les dépouilles des coquillages alors existants.

La formation des schistes, des ardoises, des charbons de terre et des matières bitumineuses, date à peu près du même temps : ces matières se trouvent ordinairement dans les argiles à d’assez grandes profondeurs ; elles paraissent même avoir précédé l’établissement local des dernières couches d’argile ; car au-dessous de cent trente pieds d’argile dont les lits contenaient des bélemnites, des cornes d’Ammon et d’autres débris des plus anciennes coquilles, j’ai trouvé des matières charbonneuses et inflammables, et l’on sait que la plupart des mines de charbon de terre sont plus ou moins surmontées par des couches de terres argileuses. Je crois même pouvoir avancer que c’est dans ces terres qu’il faut chercher les veines de charbon desquelles la formation est un peu plus ancienne que celle des couches extérieures des terres argileuses qui les surmontent : ce qui le prouve, c’est que les veines de ces charbons de terre sont presque toujours inclinées, tandis que celles des argiles, ainsi que toutes les autres couches extérieures du globe, sont