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jours, mais plus lentement et en bien moindre quantité : car quoique les argiles se présentent presque partout comme enveloppant le globe, quoique souvent ces couches d’argiles aient cent et deux cents pieds d’épaisseur, quoique les rochers de pierres calcaires et toutes les collines composées de ces pierres soient ordinairement appuyées sur des couches argileuses, on trouve quelquefois au-dessous de ces mêmes couches des sables vitrescibles qui n’ont pas été convertis, et qui conservent le caractère de leur première origine. Il y a aussi des sables vitrescibles à la superficie de la terre et sur celle du fond des mers, mais la formation de ces sables vitrescibles qui se présentent à l’extérieur est d’un temps bien postérieur à la formation des autres sables de même nature, qui se trouvent à de grandes profondeurs sous les argiles ; car ces sables, qui se présentent à la superficie de la terre, ne sont que les détriments des granits, des grès et de la roche vitreuse dont les masses forment les noyaux et les sommets des montagnes, desquelles les pluies, la gelée et les autres agents extérieurs, ont détaché et détachent encore tous les jours de petites parties, qui sont ensuite entraînées et déposées par les eaux courantes sur la surface de la terre : on doit donc regarder comme très récente, en comparaison de l’autre, cette production des sables vitrescibles qui se présentent sur le fond de la mer ou à la superficie de la terre.

Ainsi les argiles et l’acide qu’elles contiennent ont été produits très peu de temps après l’établissement des eaux et peu de temps avant la naissance des coquillages[NdÉ 1] : car nous trouvons dans ces mêmes argiles une infinité de bélemnites, de pierres lenticulaires, de cornes d’Ammon et d’autres échantillons de ces espèces perdues dont on ne retrouve nulle part les analogues vivants. J’ai trouvé moi-même dans une fouille que j’ai fait creuser à cinquante pieds de profondeur, au plus bas d’un petit vallon[1] tout composé d’argile, et dont les collines voisines étaient aussi d’argile jusqu’à quatre-vingts pieds de hauteur ; j’ai trouvé, dis-je, des bélemnites qui avaient huit pouces de long sur près d’un pouce de diamètre, et dont quelques-unes étaient attachées à une partie plate et mince comme l’est le têt des crustacés. J’y ai trouvé de même un grand nombre de cornes d’ammon pyriteuses et bronzées, et des milliers de pierres lenticulaires. Ces anciennes dépouilles étaient, comme l’on voit, enfouies dans l’argile à cent trente pieds de profondeur : car, quoiqu’on n’eût creusé qu’à cinquante pieds dans cette argile au milieu du vallon, il est certain que l’épaisseur de cette argile était originairement de cent trente pieds, puisque les couches en sont élevées des deux côtés à quatre-vingts pieds de hauteur au-dessus : cela me fut démontré par la

  1. Ce petit vallon est tout voisin de la ville de Montbard, au midi.
  1. Certains zoologistes attribuent la production d’une partie au moins des argiles à l’action des animaux. (Voyez mon Introduction.)