Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou miné les parties inférieures de ces montagnes primitives ; elle les a environnées de nouvelles matières, ou bien elle a percé les voûtes qui les soutenaient ; souvent elle les a fait pencher : enfin elle a transporté dans leurs cavités intérieures les matières combustibles provenant du détriment des végétaux, ainsi que les matières pyriteuses, bitumineuses et minérales, pures ou mêlées de terres et de sédiments de toute espèce.

La production des argiles paraît avoir précédé celle des coquillages : car la première opération de l’eau a été de transformer les scories et les poudres de verre en argiles : aussi les lits d’argiles se sont formés quelque temps avant les bancs de pierres calcaires ; et l’on voit que ces dépôts de matières argileuses ont précédé ceux des matières calcaires, car presque partout les rochers calcaires sont posés sur des glaises qui leur servent de base. Je n’avance rien ici qui ne soit démontré par l’expérience ou confirmé par les observations : tout le monde pourra s’assurer par des procédés aisés à répéter[1], que le verre et le grès en poudre se convertissent en peu de temps en argile, seulement en séjournant dans l’eau ; et c’est d’après cette connaissance que j’ai dit, dans ma Théorie de la terre, que les argiles n’étaient que des sables vitrescibles décomposés et pourris ; j’ajoute ici que c’est probablement à cette décomposition du sable vitrescible dans l’eau qu’on doit attribuer l’origine de l’acide : car le principe acide qui se trouve dans l’argile peut être regardé comme une combinaison de la terre vitrescible avec le feu, l’air et l’eau ; et c’est ce même principe acide qui est la première cause de la ductilité de l’argile et de toutes les autres matières, sans même en excepter les bitumes, les huiles et les graisses, qui ne sont ductiles et ne communiquent de la ductilité aux autres matières que parce qu’elles contiennent des acides.

Après la chute et l’établissement des eaux bouillantes sur la surface du globe, la plus grande partie des scories de verre qui la couvraient en entier ont donc été converties en assez peu de temps en argiles : tous les mouvements de la mer ont contribué à la prompte formation de ces mêmes argiles, en remuant et transportant les scories et les poudres de verre, et les forçant de se présenter à l’action de l’eau dans tous les sens. Et peu de temps après, les argiles, formées par l’intermède et l’impression de l’eau, ont successivement été transportées et déposées au-dessus de la roche primitive du globe, c’est-à-dire au-dessus de la masse solide de matières vitrescibles qui en fait le fond et qui, par sa ferme consistance et sa dureté, avait résisté à cette même action des eaux.

La décomposition des poudres et des sables vitrescibles, et la production des argiles, se sont faites en d’autant moins de temps que l’eau était plus chaude : cette décomposition a continué de se faire et se fait encore tous les

  1. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.