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nement continuel des eaux tombées et rejetées alternativement ; enfin la lessive de l’air par l’abandon des matières volatiles précédemment sublimées, qui toutes s’en emparèrent et descendirent avec plus ou moins de précipitation : quels mouvements, quelles tempêtes ont dû précéder, accompagner et suivre l’établissement local de chacun de ces éléments ! Et ne devons-nous pas rapporter à ces premiers moments de choc et d’agitation les bouleversements, les premières dégradations, les irruptions et les changements qui ont donné une seconde forme à la plus grande partie de la surface de la terre ? Il est aisé de sentir que les eaux qui la couvraient alors presque tout entière, étant continuellement agitées par la rapidité de leur chute, par l’action de la lune sur l’atmosphère et sur les eaux déjà tombées, par la violence des vents, etc., auront obéi à toutes ces impulsions, et que dans leurs mouvements elles auront commencé par sillonner plus à fond les vallées de la terre, par renverser les éminences les moins solides, rabaisser les crêtes des montagnes, percer leurs chaînes dans les points les plus faibles ; et qu’après leur établissement, ces mêmes eaux se seront ouvert des routes souterraines, qu’elles ont miné les voûtes des cavernes, les ont fait écrouler, et que par conséquent ces mêmes eaux se sont abaissées successivement pour remplir les nouvelles profondeurs qu’elles venaient de former : les cavernes étaient l’ouvrage du feu ; l’eau dès son arrivée a commencé par les attaquer ; elle les a détruites, et continue de les détruire encore ; nous devons donc attribuer l’abaissement des eaux à l’affaissement des cavernes, comme à la seule cause qui nous soit démontrée par les faits[NdÉ 1].

Voilà les premiers effets produits par la masse, par le poids et par le volume de l’eau ; mais elle en a produit d’autres par sa seule qualité : elle a saisi toutes les matières qu’elle pouvait délayer et dissoudre ; elle s’est combinée avec l’air, la terre et le feu pour former les acides, les sels, etc. ; elle a converti les scories et les poudres du verre primitif en argiles ; ensuite elle a, par son mouvement, transporté de place en place ces mêmes scories, et toutes les matières qui se trouvaient réduites en petits volumes. Il s’est donc fait dans cette seconde période, depuis trente-cinq jusqu’à cinquante mille ans, un si grand changement à la surface du globe que la mer universelle, d’abord très élevée, s’est successivement abaissée pour remplir les profondeurs occasionnées par l’affaissement des cavernes, dont les voûtes naturelles, sapées ou percées par l’action et l’effet de ce nouvel élément, ne pouvaient plus soutenir le poids cumulé des terres et des eaux dont elles étaient chargées. À mesure qu’il se faisait quelque grand affaissement par la rupture d’une ou de plusieurs cavernes, la surface de la terre se déprimant

  1. Cette idée est purement hypothétique. Il suffit, pour expliquer la formation des lits des mers et l’abaissement du niveau des eaux en certains points du globe, d’admettre qu’alors comme aujourd’hui il se produisait des affaissements et des soulèvements lents de certains points de la surface de la terre, les eaux s’accumulant dans les parties affaissées. [Note de Wikisource : Cet effet est réel : ainsi, le plancher de la Baltique se soulève actuellement à la faveur d’un tel mouvement, dit isostatique. Mais à cela, il faut ajouter l’ouverture et la fermeture des océans lorsque, dans leur dérive, les continents se séparent ou se rapprochent : ainsi, par suite du mouvement de la plaque tectonique africaine, la Méditerranée est en train de disparaître, tandis que la mer Rouge s’élargit.]