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solide du globe ; elles n’en sont que de très petits prolongements, dont les moins élevés ont ensuite été recouverts par les scories de verre, les sables, les argiles, et tous les débris des productions de la mer, amenés et déposés par les eaux dans les temps subséquents, qui font l’objet de notre troisième époque.




TROISIÈME ÉPOQUE

LORSQUE LES EAUX ONT COUVERT NOS CONTINENTS.

À la date de trente ou trente-cinq mille ans de la formation des planètes[NdÉ 1], la terre se trouvait attiédie pour recevoir les eaux sans les rejeter en vapeurs. Le chaos de l’atmosphère avait commencé de se débrouiller : non seulement les eaux, mais toutes les matières volatiles que la trop grande chaleur y tenait reléguées et suspendues tombèrent successivement ; elles remplirent toutes les profondeurs, couvrirent toutes les plaines, tous les intervalles qui se trouvaient entre les éminences de la surface du globe, et même elles surmontèrent toutes celles qui n’étaient pas excessivement élevées. On a des preuves évidentes que les mers ont couvert le continent de l’Europe jusqu’à quinze cents toises au-dessus du niveau de la mer actuelle[1], puisqu’on trouve des coquilles et d’autres productions marines dans les Alpes et dans les Pyrénées jusqu’à cette même hauteur. On a les mêmes preuves pour les continents de l’Asie et de l’Afrique ; et même dans celui de l’Amérique, où les montagnes sont plus élevées qu’en Europe, on a trouvé des coquilles marines à plus de deux mille toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer du Sud. Il est donc certain que dans ces premiers temps le diamètre du globe avait deux lieues de plus, puisqu’il était enveloppé d’eau jusqu’à deux mille toises de hauteur. La surface de la terre en général était donc beaucoup plus élevée qu’elle ne l’est aujourd’hui ; et pendant une longue suite de temps les mers l’ont recouverte en entier, à l’exception peut-être de quelques terres très élevées et des sommets des hautes montagnes, qui seuls surmontaient cette mer universelle, dont l’élévation était au moins à cette hauteur où l’on cesse de trouver des coquilles ; d’où l’on doit inférer que les animaux auxquels ces dépouilles ont appartenu peuvent être regardés comme les premiers habitants du globe, et cette population était innombrable, à en juger par l’immense quantité de leurs dépouilles

  1. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  1. Chiffre imaginaire.