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et postérieures à cette époque ont concouru à combler toutes les profondeurs extérieures et même les cavités intérieures ; ces causes subséquentes ont aussi altéré presque partout la forme de ces inégalités primitives ; celles qui ne s’élevaient qu’à une hauteur médiocre ont été pour la plupart recouvertes dans la suite par les sédiments des eaux, et toutes ont été environnées à leurs bases, jusqu’à de grandes hauteurs, de ces mêmes sédiments ; c’est par cette raison que nous n’avons d’autres témoins apparents de la première forme de la terre que les montagnes composées de matière vitrescible, dont nous venons de faire l’énumération ; cependant ces témoins sont sûrs et suffisants : car, comme les plus hauts sommets de ces premières montagnes n’ont peut-être jamais été surmontés par les eaux, ou du moins qu’ils ne l’ont été que pendant un petit temps, attendu qu’on n’y trouve aucun débris des productions marines, et qu’ils ne sont composés que de matières vitrescibles, on ne peut pas douter qu’ils ne doivent leur origine au feu, et que ces éminences, ainsi que la roche intérieure du globe, ne fassent ensemble un corps continu de même nature, c’est-à-dire de matière vitrescible, dont la formation a précédé celle de toutes les autres matières.

En tranchant le globe par l’équateur et comparant les deux hémisphères, on voit que celui de nos continents contient à proportion beaucoup plus de terre que l’autre, car l’Asie seule est plus grande que les parties de l’Amérique, de l’Afrique, de la Nouvelle-Hollande, et de tout ce qu’on a découvert de terre au delà. Il y avait donc moins d’éminences et d’aspérités sur l’hémisphère austral que sur le boréal, dès le temps même de la consolidation de la terre ; et si l’on considère pour un instant ce gisement général des terres et des mers, on reconnaîtra que tous les continents vont en se rétrécissant du côté du midi, et qu’au contraire toutes les mers vont en s’élargissant vers ce même côté du midi. La pointe étroite de l’Amérique méridionale, celle de Californie, celle du Groenland, la pointe de l’Afrique, celles des deux presqu’îles de l’Inde, et enfin celle de la Nouvelle-Hollande, démontrent évidemment ce rétrécissement des terres et cet élargissement des mers vers les régions australes. Cela semble indiquer que la surface du globe a eu originairement de plus profondes vallées dans l’hémisphère austral, et des éminences en plus grand nombre dans l’hémisphère boréal. Nous tirerons bientôt quelques inductions de cette disposition générale des continents et des mers.

La terre, avant d’avoir reçu les eaux, était donc irrégulièrement hérissée d’aspérités, de profondeurs et d’inégalités semblables à celles que nous voyons sur un bloc de métal ou de verre fondu ; elle avait de même des boursouflures et des cavités intérieures, dont l’origine, comme celle des inégalités extérieures, ne doit être attribuée qu’aux effets de la consolidation. Les plus grandes éminences, profondeurs extérieures et cavités intérieures, se sont trouvées dès lors et se trouvent encore aujourd’hui sous l’équateur