Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mitives ; elles occupent de très vastes espaces dans les contrées de notre nord ; et leur substance n’étant que du fer produit par l’action du feu, ces mines sont demeurées susceptibles de l’attraction magnétique, comme le sont toutes les matières ferrugineuses qui ont subi le feu.

L’aimant est de cette même nature ; ce n’est qu’une pierre ferrugineuse, dont il se trouve de grandes masses et même des montagnes dans quelques contrées, et particulièrement dans celles de notre nord[1] : c’est par cette raison que l’aiguille aimantée se dirige toujours vers ces contrées où toutes les mines de fer sont magnétiques. Le magnétisme est un effet constant de l’électricité constante, produit par la chaleur intérieure et par la rotation du globe ; mais, s’il dépendait uniquement de cette cause générale, l’aiguille aimantée pointerait toujours et partout directement au pôle : or, les différentes déclinaisons suivant les différents pays, quoique sous le même parallèle, démontrent que le magnétisme particulier des montagnes de fer et d’aimant influe considérablement sur la direction de l’aiguille, puisqu’elle s’écarte plus ou moins à droite ou à gauche du pôle, selon le lieu où elle se trouve, et selon la distance plus ou moins grande de ces montagnes de fer.

Mais revenons à notre objet principal, à la topographie du globe antérieure à la chute des eaux : nous n’avons que quelques indices encore subsistants de la première forme de sa surface ; les plus hautes montagnes, composées de matières vitrescibles, sont les seuls témoins de cet ancien état ; elles étaient alors encore plus élevées qu’elles ne le sont aujourd’hui : car, depuis ce temps et après l’établissement des eaux, les mouvements de la mer, et ensuite les pluies, les vents, les gelées, les courants d’eau, la chute des torrents, enfin toutes les injures des éléments de l’air et de l’eau, et les secousses des mouvements souterrains, n’ont pas cessé de les dégrader, de les trancher et même d’en renverser les parties les moins solides, et nous ne pouvons douter que les vallées qui sont au pied de ces montagnes ne fussent bien plus profondes qu’elles ne le sont aujourd’hui.

Tâchons de donner un aperçu plutôt qu’une énumération de ces éminences primitives du globe. 1o  La chaîne des Cordillères ou des montagnes de l’Amérique, qui s’étend depuis la pointe de la terre de Feu jusqu’au nord du nouveau Mexique, et aboutit enfin à des régions septentrionales que l’on n’a pas encore reconnues. On peut regarder cette chaîne de montagnes comme continue dans une longueur de plus de 120 degrés, c’est-à-dire de trois mille lieues : car le détroit du Magellan n’est qu’une coupure accidentelle et postérieure à l’établissement local de cette chaîne, dont les plus hauts sommets sont dans la contrée du Pérou, et se rabaissent à peu près également vers le nord et vers le midi ; c’est donc sous l’équateur même que se trouvent les parties les plus élevées de cette chaîne primitive des plus hautes montagnes

  1. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.