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dont ils ont été séparés par cette cause : les satellites des planètes se sont donc formés aux dépens de la matière de leur planète principale, comme les planètes elles-mêmes paraissent s’être formées aux dépens de la masse du soleil. Ainsi, le temps de la formation des satellites est le même que celui du commencement de la rotation des planètes : c’est le moment où la matière qui les compose venait de se rassembler et ne formait encore que des globes liquides, état dans lequel cette matière en liquéfaction pouvait en être séparée et projetée fort aisément ; car dès que la surface de ces globes eut commencé à prendre un peu de consistance et de rigidité par le refroidissement, la matière, quoique animée de la même force centrifuge, étant retenue par celle de la cohésion, ne pouvait plus être séparée ni projetée hors de la planète par ce même mouvement de rotation.

Comme nous ne connaissons dans la nature aucune cause de chaleur, aucun feu que celui du soleil, qui ait pu fondre ou tenir en liquéfaction la matière de la terre et des planètes, il me paraît qu’en se refusant à croire que les planètes sont issues et sorties du soleil, on serait au moins forcé de supposer qu’elles ont été exposées de très près aux ardeurs de cet astre de feu, pour pouvoir être liquéfiées. Mais cette supposition ne serait pas encore suffisante pour expliquer l’effet, et tomberait d’elle-même, par une circonstance nécessaire : c’est qu’il faut du temps pour que le feu, quelque violent qu’il soit, pénètre les matières solides qui lui sont exposées, et un très long temps pour les liquéfier. On a vu, par les expériences[1] qui précèdent, que pour échauffer un corps jusqu’au degré de fusion, il faut au moins la quinzième partie du temps qu’il faut pour le refroidir, et qu’attendu les grands volumes de la terre et des autres planètes, il serait de toute nécessité qu’elles eussent été pendant plusieurs milliers d’années stationnaires auprès du soleil pour recevoir le degré de chaleur nécessaire à leur liquéfaction : or, il est sans exemple dans l’univers qu’aucun corps, aucune planète, aucune comète demeure stationnaire auprès du soleil, même pour un instant ; au contraire, plus les comètes en approchent, et plus leur mouvement est rapide ; le temps de leur périhélie est extrêmement court, et le feu de cet astre, en brûlant la surface, n’a pas le temps de pénétrer la masse des comètes qui s’en approchent le plus.

Ainsi, tout concourt à prouver qu’il n’a pas suffi que la terre et les planètes aient passé comme certaines comètes dans le voisinage du soleil pour que leur liquéfaction ait pu s’y opérer : nous devons donc présumer que cette matière des planètes a autrefois appartenu au corps même du soleil, et en a été séparée, comme nous l’avons dit, par une seule et même impulsion. Car les comètes qui approchent le plus du soleil ne nous présentent que le premier degré des grands effets de la chaleur ; elles paraissent précédées d’une

  1. Voyez, ci-devant, la partie expérimentale : premier et second Mémoire.