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paraître qu’avec le temps, et le souverain Être se les réservait comme le plus sûr moyen de rappeler l’homme à lui, lorsque sa foi, déclinant dans la suite des siècles, serait devenue chancelante ; lorsque éloigné de son origine, il pourrait l’oublier ; lorsque enfin trop accoutumé au spectacle de la nature, il n’en serait plus touché et viendrait à en méconnaître l’auteur. Il était donc nécessaire de raffermir de temps en temps, et même d’agrandir l’idée de Dieu dans l’esprit et dans le cœur de l’homme. Or, chaque découverte produit ce grand effet ; chaque nouveau pas que nous faisons dans la nature nous rapproche du Créateur. Une vérité nouvelle est une espèce de miracle, l’effet en est le même, et elle ne diffère du vrai miracle qu’en ce que celui-ci est un coup d’éclat que Dieu frappe immédiatement et rarement, au lieu qu’il se sert de l’homme pour découvrir et manifester les merveilles dont il a rempli le sein de la nature ; et que comme ces merveilles s’opèrent à tout instant, qu’elles sont exposées de tout temps et pour tous les temps à sa contemplation, Dieu le rappelle incessamment à lui, non seulement par le spectacle actuel, mais encore par le développement successif de ses œuvres.

Au reste, je ne me suis permis cette interprétation des premiers versets de la Genèse que dans la vue d’opérer un grand bien : ce serait de concilier à jamais la science de la nature avec celle de la théologie. Elles ne peuvent, selon moi, être en contradiction qu’en apparence ; et mon explication semble le démontrer. Mais si cette explication, quoique simple et très claire, paraît insuffisante et même hors de propos à quelques esprits trop strictement attachés à la lettre, je les prie de me juger par l’intention, et de considérer que mon système sur les époques de la nature étant purement hypothétique, il ne peut nuire aux vérités révélées, qui sont autant d’axiomes immuables, indépendants de toute hypothèse, et auxquels j’ai soumis et je soumets mes pensées.