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de la distance, il faudra chercher par des règles de fausse position quelle est la figure qui donne cette expression ; et cette figure sera celle des parties constituantes du vif-argent ; si l’on trouvait par ces expériences que ce métal s’attire en raison inverse du carré de la distance, il serait démontré que ses parties constituantes sont sphériques, puisque la sphère est la seule figure qui donne cette loi, et qu’à quelque distance que l’on place des globes, la loi de leur attraction est toujours la même.

Newton bien soupçonné que les affinités chimiques, qui ne sont autre chose que les attractions particulières dont nous venons de parler, se faisaient par des lois assez semblables à celles de la gravitation ; mais il ne paraît pas avoir vu que toutes ces lois particulières n’étaient que de simples modifications de la loi générale, et qu’elles n’en paraissaient différentes que parce qu’à une très petite distance la figure des atomes qui s’attirent fait autant et plus que la masse pour l’expression de la loi, cette figure entrant alors pour beaucoup dans l’élément de la distance.

C’est cependant à cette théorie que tient la connaissance intime de la composition des corps bruts ; le fond de toute matière est le même, la masse et le volume, c’est-à-dire la forme, serait aussi la même, si la figure des parties constituantes était semblable. Une substance homogène ne peut différer d’une autre qu’autant que la figure de ses parties primitives est différente ; celle dont toutes les molécules sont sphériques doit être spécifiquement une fois plus légère qu’une autre dont les molécules seraient cubiques, parce que les premières ne pouvant se toucher que par des points, laissent des intervalles égaux à l’espace qu’elles remplissent, tandis que les parties supposées cubiques peuvent se réunir toutes sans laisser le moindre intervalle, et former par conséquent une matière une fois plus pesante que la première. Et quoique les figures puissent varier à l’infini, il paraît qu’il n’en existe pas autant dans la nature que l’esprit pourrait en concevoir : car elle a fixé les limites de la pesanteur et de la légèreté : l’or et l’air sont les deux extrêmes de toute densité ; toutes les figures admises, exécutées par la nature, sont donc comprises entre ces deux termes, et toutes celles qui auraient pu produire des substances plus pesantes ou plus légères ont été rejetées.

Au reste, lorsque je parle des figures employées par la nature, je n’entends pas qu’elles soient nécessairement ni même exactement semblables aux figures géométriques qui existent dans notre entendement : c’est par supposition que nous les faisons régulières, et par abstraction que nous les rendons simples. Il n’y a peut-être ni cubes exacts, ni sphères parfaites dans l’univers ; mais comme rien n’existe sans forme, et que selon la diversité des substances les figures de leurs éléments sont différentes, il y en a nécessairement qui approchent de la sphère ou du cube et de toutes les autres figures régulières que nous avons imaginées : le précis, l’absolu,