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liquide en solide et transformer l’eau de la mer en pierre[1]. Les marbres communs et les autres pierres calcaires sont composés de coquilles entières et de morceaux de coquilles, de madrépores, d’astroïtes, etc., dont toutes les parties sont encore évidentes ou très reconnaissables : les graviers ne sont que les débris des marbres et des pierres calcaires, que l’action de l’air et des gelées détache des rochers, et l’on peut faire de la chaux avec ces gra-

  1. On peut se former une idée nette de cette conversion. L’eau de la mer tient en dissolution des particules de terre qui, combinées avec la matière animale, concourent à former les coquilles par le mécanisme de la digestion de ces animaux testacés ; comme la soie est le produit du parenchyme des feuilles, combiné avec la matière animale du ver à soie.

    qui, malgré leur taille microscopique, sont, sans aucun doute, ceux qui ont joué le plus grand rôle dans la formation des roches calcaires.

    Quant aux roches siliceuses, elles pourraient bien aussi avoir pour producteurs des organismes animaux ou végétaux. Les Diatomées, petites algues à test siliceux, très abondantes dans nos eaux douces et dans certaines mers, ainsi que les Radiolaires, animaux inférieurs, à carapaces siliceuses, ont une importance parallèle à celle des Foraminifères. Ils prennent dans l’eau des sels de silice soluble et les transforment en silice insoluble qui forme leurs tests.

    Huxley a résumé d’une manière remarquable le rôle de ces organismes dans la formation des roches. « Si nous supposons, dit-il (Anat. of the invert. animals, p. 85), que le globe soit couvert uniformément d’un océan de 1 000 brasses de profondeur, le sol formant le fond de cet océan se trouverait en dehors de l’action des pluies, des vents et des autres agents de dégradation, et il ne s’y formerait pas de dépôts sédimentaires. Mais si l’on introduisait, dans cet océan, des Foraminifères et des Diatomées obéissant aux mêmes lois de distribution qu’à l’époque actuelle, il ne tarderait pas à se produire une pluie fine de leurs parties dures, siliceuses ou calcaires ; et un cap circumpolaire, de sédiment siliceux finirait par apparaître au nord et au sud, tandis que la zone intermédiaire serait couverte d’un sable calcaire à Globigérines (genre de Foraminifères) ne contenant qu’une proportion relativement faible de silice. L’épaisseur des couches calcaires ou siliceuses ainsi formées ne serait limitée que par le temps et par la profondeur de l’océan. Ces couches, une fois accumulées, deviendraient susceptibles de subir toutes les influences de l’eau et de la chaleur terrestre qui, nous le savons, suffisent pour convertir les matières siliceuses en opale ou en quartzite, et les matières calcaires en formes diverses de pierre et de marbre. Ces agents métamorphiques pourraient ainsi faire disparaître plus ou moins complètement les traces de la structure primitive des dépôts.

    » D’autres changements peuvent encore se produire. À l’époque actuelle, dans le golfe du Mexique, au delà du banc d’Agulhas et dans d’autres points, à de faibles profondeurs (100 à 300 brasses), les tests des Foraminifères subissent une métamorphose d’un autre ordre. Leurs chambres se remplissent d’un silicate vert d’alumine et de fer, qui pénètre jusque dans les tubes les plus fins, et prend une empreinte presque indestructible de leurs cavités. La matière calcaire qui forme le test des Foraminifères est alors dissoute lentement, tandis que l’empreinte subsiste, constituant un sable noir, fin, qui, lorsqu’on l’écrase, donne une poussière verdâtre connue sous le nom de « sable vert ». Les recherches faites à bord du Challenger ont, en outre, montré que de grandes surfaces des océans Atlantique et Pacifique, au-dessus desquelles la mer offre une profondeur excédant 2 400 brasses, — surfaces ayant parfois plusieurs milliers de mille carrés d’étendue, — offrent un fond couvert, non par une ooze à Globigérines, mais par une argile rouge, formée de silicate de fer et d’alumine. On ne trouve dans cette argile aucune trace de Globigérines ou d’autres organismes calcaires ; mais, dans les points où l’eau est moins profonde, les Globigérines se montrent à l’état de fragments qui deviennent de plus en plus complets à mesure que la profondeur diminue et se rapproche de 2 400 pieds, ou devient encore