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Toutes les espèces sont donc sujettes aux différences purement individuelles ; mais les variétés constantes, et qui se perpétuent par les générations, n’appartiennent pas également à toutes : plus l’espèce est élevée, plus le type en est ferme, et moins elle admet de ces variétés[NdÉ 1]. L’ordre, dans la multiplication des animaux, étant en raison inverse de l’ordre de grandeur, et la possibilité des différences en raison directe du nombre dans le produit de leur génération, il était nécessaire qu’il y eût plus de variétés dans les petits animaux que dans les grands, il y a aussi, et par la même raison, plus d’espèces voisines ; l’unité de l’espèce étant plus resserrée dans les grands animaux, la distance qui la sépare des autres est aussi plus étendue : que de variétés et d’espèces voisines accompagnent, suivent ou précèdent l’écureuil, le rat et les autres petits animaux, tandis que l’éléphant marche seul et sans pair à la tête de tous !

La matière brute qui compose la masse de la terre n’est pas un limon vierge, une substance intacte et qui n’ait pas subi des altérations ; tout a été remué par la force des grands et des petits agents, tout a été manié plus d’une fois par la main de la nature ; le globe de la terre a été pénétré par le feu, et ensuite recouvert et travaillé par les eaux ; le sable, qui en remplit le dedans, est une matière vitrée ; les lits épais de glaise qui le recouvrent dehors ne sont que ce même sable décomposé par le séjour des eaux ; le roc vif, le granit, le grès, tous les cailloux, tous les métaux, ne sont encore que cette même matière vitrée, dont les parties se sont réunies, pressées ou séparées selon les lois de leur affinité. Toutes ces substances sont parfaitement brutes, elles existent et existeraient indépendamment des animaux et des végétaux ; mais d’autres substances en très grand nombre, et qui paraissent également brutes, tirent leur origine du détriment des corps organisés ; les marbres, les pierres à chaux, les graviers, les craies, les marnes, ne sont composés que de débris de coquillages et des dépouilles de ces petits animaux, qui, transformant l’eau de la mer en pierre, produisent le corail et tous les madrépores, dont la variété est innombrable et la quantité presque immense. Les charbons de terre, les tourbes et les autres matières qui se trouvent aussi dans les couches extérieures de la terre, ne sont que le résidu des végétaux plus ou moins détériorés, pourris et consumés. Enfin d’autres matières en moindre nombre, telles que les pierres ponces, les soufres, les mâchefers, les amiantes, les laves, ont été jetées par les volcans, et produites par une seconde action du feu sur les matières premières. L’on peut réduire à ces trois grandes combinaisons tous les rapports des corps bruts, et toutes les substances du règne minéral.

  1. Cela est faux. Les espèces les plus élevées, c’est-à-dire les plus parfaites, sont soumises comme les autres à la variation, mais à la condition qu’elles soient d’origine relativement récente. Les espèces qui ne varient plus ou qui ne varient que difficilement sont des espèces anciennes, des espèces vieilles, si l’on peut leur appliquer ce mot. [Note de Wikisource : Cela est faux : il n’y a aucune espèce qui ait cessé d’évoluer. Seulement, le rythme des mutations est plus rapide pour certaines espèces que pour d’autres, principalement pour des raisons de fréquence de la reproduction, et, à l’intérieur d’une espèce donnée, plus rapides à certaines époques que d’autres, lorsqu’ont lieu, souvent à cause de changements environnementaux, une réduction de la taille des populations ou une séparation entre populations (phénomènes de goulot d’étranglement ou d’effet fondateur).]