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C’est par sa grandeur même qu’il demeure immobile et qu’il régit les autres globes ; comme la force a été donnée proportionnellement à la masse, qu’il est incomparablement plus grand qu’aucune des comètes, et qu’il contient mille fois plus de matière que la plus grosse planète, elles ne peuvent ni le déranger, ni se soustraire à sa puissance, qui s’étendant à des distances immenses les contient toutes, et lui ramène au bout d’un temps celles qui s’éloignent le plus ; quelques-unes même à leur retour s’en approchent si près, qu’après avoir été refroidies pendant des siècles, elles éprouvent une chaleur inconcevable ; elles sont sujettes à des vicissitudes étranges par ces alternatives de chaleur et de froid extrêmes, aussi bien que par les inégalités de leur mouvement, qui tantôt est prodigieusement accéléré, et ensuite infiniment retardé : ce sont, pour ainsi dire, des mondes en désordre, en comparaison des planètes, dont les orbites étant plus régulières, les mouvements plus égaux, la température toujours la même, semblent être des lieux de repos, où, tout étant constant, la nature peut établir un plan, agir uniformément, se développer successivement dans toute son étendue. Parmi ces globes choisis entre les astres errants, celui que nous habitons paraît encore être privilégié ; moins froid, moins éloigné que Saturne, Jupiter, Mars, il est aussi moins brûlant que Vénus et Mercure, qui paraissent trop voisins de l’astre de lumière.

Aussi, avec quelle magnificence la nature ne brille-t-elle pas sur la terre ? une lumière pure, s’étendant de l’orient au couchant, dore successivement les hémisphères de ce globe ; un élément transparent et léger l’environne ; une chaleur douce et féconde anime, fait éclore tous les germes de vie ; des eaux vives et salutaires servent à leur entretien, à leur accroissement ; des éminences distribuées dans le milieu des terres arrêtent les vapeurs de l’air, rendent ces sources intarissables et toujours nouvelles ; des cavités immenses faites pour les recevoir partagent les continents : l’étendue de la mer est aussi grande que celle de la terre ; ce n’est point un élément froid et stérile, c’est un nouvel empire aussi riche, aussi peuplé que le premier. Le doigt de Dieu a marqué leurs confins ; si la mer anticipe sur les plages de l’occident, elle laisse à découvert celles de l’orient : cette masse immense d’eau, inactive par elle-même, suit les impressions des mouvements célestes, elle balance par des oscillations régulières de flux et de reflux, elle s’élève et s’abaisse avec l’astre de la nuit ; elle s’élève encore plus lorsqu’il concourt avec l’astre du jour, et que tous deux, réunissant leurs forces dans le temps des équinoxes, causent les grandes marées : notre correspondance avec le ciel n’est nulle part mieux marquée. De ces mouvements constants et généraux résultent des mouvements variables et particuliers, des transports de terre, des dépôts qui forment au fond des eaux des éminences semblables à celles que nous voyons sur la surface de la terre ; des courants qui, suivant la direction de ces chaînes de montagnes, leur donnent une figure dont tous