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capitaine Cook a fait une pointe jusqu’au 71e degré de latitude ; ces glaces s’étendent depuis le 110e degré de longitude ouest jusqu’au 120e ; ensuite on voit les glaces flottantes depuis le 130e degré de longitude ouest jusqu’au 170e, sous les latitudes de 60 à 70 degrés ; en sorte que dans toute l’étendue de la circonférence de cette grande zone polaire antarctique, il n’y a qu’environ 40 ou 45 degrés en longitude dont l’espace n’ai pas été reconnu, ce qui ne fait pas la huitième partie de cette immense calotte de glace : tout le reste de ce circuit a été vu et bien reconnu par M. Cook, dont nous ne pourrons jamais louer assez la sagesse, l’intelligence et le courage : car le succès d’une pareille entreprise suppose toutes ces qualités réunies.

On vient d’observer que les glaces les plus avancées du côté de l’équateur, dans ces régions australes, se trouvent sur les mers les plus éloignées des terres, comme dans la mer des grandes Indes et vis-à-vis le cap de Bonne-Espérance ; et qu’au contraire les glaces les moins avancées se trouvent dans le voisinage des terres, comme à la pointe de l’Amérique et des deux côtés de cette pointe, tant dans la mer Atlantique que dans la mer Pacifique : ainsi la partie la moins froide de cette grande zone antarctique est vis-à-vis l’extrémité de l’Amérique qui s’étend jusqu’au 56e degré de latitude, tandis que la partie la plus froide de cette même zone est vis-à-vis de la pointe de l’Afrique qui ne s’avance qu’au 34e degré, et vers la mer de l’Inde où il n’y a point de terre : or s’il en est de même du côté du pôle arctique, la région la moins froide serait celle de Spitzberg et du Groënland, dont les terres s’étendent à peu près jusqu’au 80e degré ; et la région la plus froide serait celle de la partie de mer entre l’Asie et l’Amérique, en supposant que cette région soit en effet une mer.

De toutes les reconnaissances faites par M. Cook, on doit inférer que la portion du globe envahie par les glaces depuis le pôle antarctique jusqu’à la circonférence de ces régions glacées est en superficie au moins cinq ou six fois plus étendue que l’espace envahi par les glaces autour du pôle arctique, ce qui provient de deux causes assez évidentes : la première est le séjour du soleil plus court de sept jours trois quarts par an dans l’hémisphère austral que dans le boréal ; la seconde et plus puissante cause est la quantité de terres infiniment plus grande dans cette portion de l’hémisphère boréal que dans la portion égale et correspondante de l’hémisphère austral : car les continents de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique s’étendent jusqu’au 70e degré et au delà vers le pôle arctique, tandis que dans les régions australes il n’existe aucune terre, depuis le 30e ou même le 45e degré, que celle de la pointe de l’Amérique qui ne s’étend qu’au 56e avec les îles Falkland, la petite île Géorgie et celle de Sandwich, qui est moitié terre et moitié glace ; en sorte que cette grande zone australe étant entièrement maritime et aqueuse, et la boréale presque entièrement terrestre, il n’est pas éton-