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fondue pendant les étés ; que non seulement la même cause subsiste, mais que ces amas de glaces déjà formés doivent l’augmenter toujours plus, puisqu’il en résulte et plus de neige et une moindre fonte… Ainsi il n’y a pas de doute que les glacières n’aillent en augmentant, et même dans une progression croissante[1]. »

Cet observateur infatigable a fait un grand nombre de courses dans les glacières, et en parlant de celle du Glatchers ou glacières des Bossons, il dit « qu’il paraît s’augmenter tous les jours ; que le sol qu’il occupe présentement était, il y a quelques années, un champ cultivé, et que les glaces augmentent encore tous les jours[2]. Il rapporte que l’accroissement des glaces paraît démontré non seulement dans cet endroit, mais dans plusieurs autres ; que l’on a encore le souvenir d’une communication qu’il y avait autrefois de Chamouny à la Val-d’Aost, et que les glaces l’ont absolument fermée ; que les glaces en général doivent s’être accrues en s’étendant d’abord de sommités en sommités, et ensuite de vallées en vallées, et que c’est ainsi que s’est faite la communication des glaces du mont Blanc avec celles des autres montagnes et glacières du Valais et de la Suisse[3]. Il paraît, dit-il ailleurs, que tous ces pays de montagne n’étaient pas anciennement aussi remplis de neiges et de glaces qu’ils le sont aujourd’hui… L’on ne date que depuis quelques siècles les désastres arrivés par l’accroissement des neiges et des glaces, par leur accumulation dans plusieurs vallées, par la chute des montagnes elles-mêmes et des rochers : ce sont ces accidents continuels et cette augmentation annuelle des glaces qui peuvent seuls rendre raison de ce que l’on sait de l’histoire de ce pays touchant le peuple qui l’habitait anciennement[4]. »


(32) Page 120, ligne 6. Car, malgré ce qu’en ont dit les Russes, il est très douteux qu’ils aient doublé la pointe septentrionale de l’Asie. M. Engel, qui regarde comme impossible le passage au nord-ouest par les baies de Hudson et de Baffin, paraît au contraire persuadé qu’on trouvera un passage plus court et plus sûr par le nord-est, et il ajoute aux raisons assez faibles qu’il en donne un passage de M. Gmelin qui, parlant des tentatives faites par les Russes pour trouver ce passage au nord-est, dit que la manière dont on a procédé à ces découvertes sera en son temps le sujet du plus grand étonnement de tout le monde, lorsqu’on en aura la relation authentique ; ce qui dépend uniquement, ajoute-t-il, de la haute volonté de l’impératrice. « Quel sera donc, dit M. Engel, ce sujet d’étonnement, si ce n’est d’apprendre que le passage regardé jusqu’à présent comme impossible est très praticable ? Voilà le seul fait, ajoute-t-il, qui puisse surprendre ceux qu’on a tâché d’effrayer par des relations publiées à dessein de rebuter les navigateurs, etc.[5] »

Je remarque d’abord qu’il faudrait être bien assuré des choses avant de faire à la nation cette imputation : en second lieu, elle me paraît mal fondée, et les paroles de M. Gmelin pourraient bien signifier tout le contraire de l’interprétation que leur donne M. Engel, c’est-à-dire qu’on sera fort étonné, lorsque l’on saura qu’il n’existe point de passage praticable, au nord-est ; et ce qui me confirme dans cette opinion, indépendamment des raisons générales que j’en ai données, c’est que les Russes eux-mêmes n’ont nouvellement tenté des découvertes qu’en remontant de Kamtschatka, et point du tout en descendant de la pointe de l’Asie. Les capitaines Behring et Tschirikow ont, en 1741, reconnu des parties de côte de l’Amérique jusqu’au 59e degré ; et ni l’un ni l’autre ne sont venus par la mer du Nord le long des côtes de l’Asie. Cela prouve que le passage n’est pas aussi praticable que le suppose M. Engel ; ou, pour mieux dire, cela prouve que les Russes savent qu’il n’est

  1. Description des glacières de Savoie, par M. Bourrit. Genève, 1773, p. 111 et 112.
  2. Description des aspects du mont Blanc, par M. Bourrit. Lausanne, 1776, p. 8.
  3. Ibid., p. 13 et 14.
  4. Ibid., p. 62 et 63.
  5. Histoire générale des Voyages, t. XIX, p. 415 et suiv.