Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fluidité dans le globe terrestre, parce qu’il semble d’abord que la nature ait deux moyens pour l’opérer[NdÉ 1]. Le premier est la dissolution ou même le délaiement des matières terrestres dans l’eau ; et le second, leur liquéfaction par le feu. Mais l’on sait que le plus grand nombre des matières solides qui composent le globe terrestre ne sont pas dissolubles dans l’eau ; et en même temps l’on voit que la quantité d’eau est si petite en comparaison de celle de la matière aride qu’il n’est pas possible que l’une ait jamais été délayée dans l’autre. Ainsi cet état de fluidité dans lequel s’est trouvée la masse entière de la terre n’ayant pu s’opérer ni par la dissolution ni par le délaiement dans l’eau, il est nécessaire que cette fluidité ait été une liquéfaction causée par le feu[NdÉ 2].

Cette juste conséquence, déjà très vraisemblable par elle-même, prend un nouveau degré de probabilité par le second fait, et devient une certitude par le troisième fait. La chaleur intérieure du globe, encore actuellement subsistante, et beaucoup plus grande que celle qui nous vient du soleil, nous démontre que cet ancien feu qu’a éprouvé le globe n’est pas encore à beaucoup près entièrement dissipé : la surface de la terre est plus refroidie que son intérieur. Des expériences certaines et réitérées nous assurent que la masse entière du globe a une chaleur propre et tout à fait indépendante de celle du soleil. Cette chaleur nous est démontrée par la comparaison de nos hivers à nos étés[1] ; et on la reconnaît d’une manière encore plus palpable dès qu’on pénètre au dedans de la terre[NdÉ 3] ; elle est constante en tous lieux pour chaque profondeur[NdÉ 4], et elle paraît augmenter à mesure que l’on descend[2]. Mais que sont nos travaux en comparaison de ceux qu’il faudrait faire pour reconnaître les degrés successifs de cette chaleur intérieure dans les profondeurs du globe ! Nous avons fouillé les montagnes à quelques centaines de toises pour en tirer les métaux ; nous avons fait dans les plaines des puits de quelques centaines de pieds : ce sont là nos plus grandes excavations, ou plutôt nos fouilles les plus profondes ; elles effleurent à peine la première écorce du globe, et néanmoins la chaleur intérieure y est déjà plus sensible

  1. Voyez, dans ce volume, l’article qui a pour titre : Des éléments, p. 1, et particulièrement les deux Mémoires sur la température des planètes, p. 348.
  2. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  1. Voyez pour les causes déterminantes de la forme de la terre mon Introduction.
  2. J’ai rappelé, dans mon Introduction, l’opinion relative à l’influence de la « dissolution » sur les changements de forme de la terre.
  3. Voyez mon Introduction pour les faits relatifs à la chaleur centrale du globe terrestre.
  4. D’après les recherches de M. Cordier (Mém. de l’Inst., VII), l’accroissement de la température de la périphérie au centre, que tous les observateurs ont constaté, ne serait pas le même sur tous les points du globe ; il peut être deux ou trois fois plus considérable dans un pays que dans un autre, et ces différences ne sont en rapport constant ni avec les latitudes, ni avec les longitudes.