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chaleur envoyée par le soleil ne serait pas seule suffisante pour maintenir la nature vivante[NdÉ 1].


Quatrième fait. — Les matières qui composent le globe de la terre sont en général de la nature du verre[NdÉ 2], et peuvent être toutes réduites en verre.


Cinquième fait. — On trouve sur toute la surface de la terre, et même sur les montagnes, jusqu’à 1 500 et 2 000 toises de hauteur, une immense quantité de coquilles et d’autres débris des productions de la mer.


Examinons d’abord si dans ces faits que je veux employer, il n’y a rien qu’on puisse raisonnablement contester. Voyons si tous sont prouvés, ou du moins peuvent l’être : après quoi nous passerons aux inductions que l’on en doit tirer.

Le premier fait du renflement de la terre à l’équateur et de son aplatissement aux pôles est mathématiquement démontré et physiquement prouvé par la théorie de la gravitation et par les expériences du pendule. Le globe terrestre a précisément la figure que prendrait un globe fluide qui tournerait sur lui-même avec la vitesse que nous connaissons au globe de la terre. Ainsi la première conséquence qui sort de ce fait incontestable, c’est que la matière dont notre terre est composée était dans un état de fluidité au moment qu’elle a pris sa forme, et ce moment est celui où elle a commencé à tourner sur elle-même. Car si la terre n’eût pas été fluide, et qu’elle eût eu la même consistance que nous lui voyons aujourd’hui, il est évident que cette matière consistante et solide n’aurait pas obéi à la loi de la force centrifuge, et que par conséquent malgré la rapidité de son mouvement de rotation, la terre, au lieu d’être un sphéroïde renflé sur l’équateur et aplati sous les pôles, serait au contraire une sphère exacte, et qu’elle n’aurait jamais pu prendre d’autre figure que celle d’un globe parfait, en vertu de l’attraction mutuelle de toutes les parties de la matière dont elle est composée.

Or, quoique en général toute fluidité ait la chaleur pour cause, puisque l’eau même sans la chaleur ne formerait qu’une substance solide, nous avons deux manières différentes de concevoir la possibilité de cet état primitif de

  1. Buffon commet, en émettant cette proposition, une erreur grave. Il est bien démontré qu’à l’heure actuelle et même depuis que les êtres vivants existent sur la terre, « la chaleur envoyée par le soleil » est indispensable au maintien de la vie. Quant à la chaleur propre du globe, elle n’a qu’une influence peu considérable, si même elle en a une, sur le développement et l’entretien de la vie. La chaleur propre du globe n’en est pas moins démontrée.
  2. L’expression de « nature du verre », dont se sert à chaque instant Buffon, ne signifie pas autre chose que « matières fusibles ».