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épithète à l’Être tout-puissant, que celui de remueur de terre. Tout l’archipel Indien ne semble être qu’une mer de volcans agissants ou éteints : on ne peut donc pas douter que les inégalités du globe ne soient plus grandes vers l’équateur que vers les pôles ; on pourrait même assurer que cette surface de la zone torride a été entièrement bouleversée, depuis la côte orientale de l’Afrique jusqu’aux Philippines, et encore bien au delà dans la mer du Sud. Toute cette plage ne paraît être que les restes en débris d’un vaste continent, dont toutes les terres basses ont été submergées : l’action de tous les éléments s’est réunie pour la destruction de la plupart de ces terres équinoxiales ; car, indépendamment des marées qui y sont plus violentes que sur le reste du globe, il paraît aussi qu’il y a eu plus de volcans, puisqu’il en subsiste encore dans la plupart de ces îles, dont quelques-unes, comme les îles de France et de Bourbon, se sont trouvées ruinées par le feu, et absolument désertes lorsqu’on en a fait la découverte.

NOTES SUR LA TROISIÈME ÉPOQUE.

(20) Page 50, ligne 6. Les eaux ont couvert toute l’Europe jusqu’à 1 500 toises au-dessus du niveau de la mer.

Nous avons dit, dans la Théorie de la terre, « que la surface entière de la terre actuellement habitée a été autrefois sous les eaux de la mer ; que ces eaux étaient supérieures au sommet des plus hautes montagnes, puisqu’on trouve sur ces montagnes, et jusqu’à leur sommet, des productions marines et des coquilles. »

Ceci exige une explication, et demande même quelques restrictions. Il est certain reconnu par mille et mille observations, qu’il se trouve des coquilles et d’autres productions de la mer sur toute la surface de la terre actuellement habitée, et même sur les montagnes, à une très grande hauteur. J’ai avancé, d’après l’autorité de Woodward, qui le premier a recueilli ces observations, qu’on trouvait des coquilles jusque sur les sommets des plus hautes montagnes ; d’autant que j’étais assuré par moi-même et par d’autres observations assez récentes qu’il y en a dans les Pyrénées et les Alpes à 900, 1 000, 1 200 et 1 500 toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer, qu’il s’en trouve de même dans les montagnes de l’Asie, et qu’enfin dans les Cordillères en Amérique, on en a nouvellement découvert un banc à plus de 2 000 toises au-dessus du niveau de la mer[1].

On ne peut donc pas douter que, dans toutes les différentes parties du monde, et jusqu’à la hauteur de 1 500 ou 2 000 toises au-dessus du niveau des mers actuelles, la surface du globe n’ait été couverte des eaux, et pendant un temps assez long pour y produire ces coquillages et les laisser multiplier ; car leur quantité est si considérable que leurs débris forment des bancs de plusieurs lieues d’étendue, souvent de plusieurs toises

  1. M. le Gentil, de l’Académie des sciences, m’a communiqué par écrit, le 4 décembre 1771, le fait suivant : « Don Antonio de Ulloa, dit-il, me chargea, en passant par Cadiz, de remettre de sa part à l’Académie deux coquilles pétrifiées, qu’il tira l’année 1761 de la montagne où est le vif-argent, dans le gouvernement de Ouanca-Velica au Pérou, dont la latitude méridionale est de 13 à 14 degrés. À l’endroit où ces coquilles ont été tirées, le mercure se soutient à 17 pouces 1 1/4 ligne, ce qui répond à 2 222 toises 1/3 de hauteur au-dessus du niveau de la mer.

    » Au plus haut de la montagne, qui n’est pas à beaucoup près la plus élevée de ce canton, le mercure se soutient à 16 pouces 6 lignes, ce qui répond à 2 337 toises 2/3.

    » À la ville de Ouanca-Velica, le mercure se soutient à 18 pouces 1 1/2 ligne, qui répondent à 1 949 toises.

    » Don Antonio de Ulloa m’a dit qu’il a détaché ces coquilles d’un banc fort épais, dont il ignore l’étendue, et qu’il travaillait actuellement à un Mémoire relatif à ces observations : ces coquilles sont du genre des peignes ou des grandes pèlerines. »