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matière qui compose l’intérieur du globe est demeuré fixe dans son assiette, et n’a subi ni changement, ni soulèvement, ni transport. Les vides et les cavernes n’ont donc pu se former que dans cette croûte extérieure ; elles se sont trouvées d’autant plus grandes et plus fréquentes, que cette croûte était plus épaisse, c’est-à-dire plus voisine de l’équateur. Aussi les plus grands affaissements se sont faits et se feront encore dans les parties méridionales, où se trouvent de même les plus grandes inégalités de la surface du globe, et par la même raison le plus grand nombre de cavernes, de fentes et de mines métalliques qui ont rempli ces fentes dans le temps de leur fusion ou de leur sublimation.

L’or et l’argent, qui ne font qu’une quantité, pour ainsi dire, infiniment petite, en comparaison de celle des autres matières du globe, ont été sublimés en vapeurs, et se sont séparés de la matière vitrescible commune, par l’action de la chaleur, de la même manière que l’on voit sortir d’une plaque d’or ou d’argent, exposée au foyer d’un miroir ardent, des particules qui s’en séparent par la sublimation, et qui dorent ou argentent les corps que l’on expose à cette vapeur métallique ; ainsi l’on ne peut pas croire que ces métaux susceptibles de sublimation, même à une chaleur médiocre, puissent être entrés en grande partie dans la composition du globe, ni qu’ils soient placés à de grandes profondeurs dans son intérieur. Il en est de même de tous les autres métaux et minéraux, qui sont encore plus susceptibles de se sublimer par l’action de la chaleur : et à l’égard des sables vitrescibles et des argiles, qui ne sont que les détriments des scories vitrées, dont la surface du globe était couverte immédiatement après le premier refroidissement, il est certain qu’elles n’ont pu se loger dans l’intérieur, et qu’elles pénètrent tout au plus aussi bas que les filons métalliques dans les fentes et dans les autres cavités de cette ancienne surface de la terre, maintenant recouverte par toutes les matières que les eaux ont déposées.

Nous sommes donc bien fondés à conclure que le globe de la terre n’est dans son intérieur qu’une masse solide de matière vitrescible, sans vides, sans cavités[NdÉ 1], et qu’il ne s’en trouve que dans les couches qui soutiennent celles de sa surface ; que sous l’équateur et dans les climats méridionaux, ces cavités ont été et sont encore plus grandes que dans les climats tempérés ou septentrionaux, parce qu’il y a eu deux causes qui les ont produites sous l’équateur, savoir, la force centrifuge et le refroidissement, au lieu que sous les pôles, il n’y a eu que la seule cause de refroidissement : en sorte que dans les parties méridionales, les affaissements ont été bien plus considérables, les inégalités plus grandes, les fentes perpendiculaires plus fréquentes, et les mines des métaux précieux plus abondantes.


(15) Page 41, ligne 21. Les fentes et les cavités des éminences du globe terrestre ont été incrustées, et quelquefois remplies par les substances métalliques que nous y trouvons aujourd’hui.

« Les veines métalliques, dit M. Eller, se trouvent seulement dans les endroits élevés en une longue suite de montagnes : cette chaîne de montagnes suppose toujours pour son soutien une base de roche dure. Tant que ce roc conserve sa continuité, il n’y a guère apparence qu’on y découvre quelques filons métalliques ; mais quand on rencontre des crevasses ou des fentes, on espère d’en découvrir. Les physiciens minéralogistes ont remarqué qu’en Allemagne la situation la plus favorable est lorsque la chaîne de montagnes s’élevant petit à petit se dirige vers le sud-est, et qu’ayant atteint sa plus grande élévation, elle descend insensiblement vers le nord-ouest…

» C’est ordinairement un roc sauvage, dont l’étendue est quelquefois presque sans bornes, mais qui est fendu et entr’ouvert en divers endroits, qui contient les métaux quelquefois purs, mais presque toujours minéralisés : ces fentes sont tapissées pour l’or-

  1. Ainsi que nous l’avons dit plus haut, Poisson conclut de ses calculs que la partie centrale du globe terrestre a dû se consolider et se refroidir la première.