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que l’étain ; Jupiter, d’une matière moins dense que la craie ; et Saturne, d’une matière presque aussi légère que la pierre ponce ; et enfin, que les satellites de ces deux grosses planètes sont composés d’une matière encore plus légère que leur planète principale.

Il est certain que le centre de gravité du globe, ou plutôt du sphéroïde terrestre, coïncide avec son centre de grandeur, et que l’axe sur lequel il tourne passe par ces mêmes centres, c’est-à-dire par le milieu du sphéroïde, et que par conséquent il est de même densité dans toutes ses parties correspondantes : s’il en était autrement, et que le centre de grandeur ne coïncidât pas avec le centre de gravité, l’axe de rotation se trouverait alors plus d’un côté que de l’autre ; et, dans les différents hémisphères de la terre, la durée de la révolution paraîtrait inégale. Or, cette révolution est parfaitement la même pour tous les climats ; ainsi, toutes les parties correspondantes du globe sont de la même densité relative.

Et comme il est démontré, par son renflement à l’équateur et par sa chaleur propre, encore actuellement existante, que dans son origine le globe terrestre était composé d’une matière liquéfiée par le feu, qui s’est rassemblée par sa force d’attraction mutuelle, la réunion de cette matière en fusion n’a pu former qu’une sphère pleine, depuis le centre à la circonférence, laquelle sphère pleine ne diffère d’un globe parfait que par ce renflement sous l’équateur et cet abaissement sous les pôles, produits par la force centrifuge dès les premiers moments que cette masse encore liquide a commencé à tourner sur elle-même.

Nous avons démontré que le résultat de toutes les matières qui éprouvent la violente action du feu est l’état de vitrification ; et comme toutes se réduisent en verre plus ou moins pesant, il est nécessaire que l’intérieur du globe soit en effet une matière vitrée, de la même nature que la roche vitreuse, qui fait partout le fond de sa surface au-dessous des argiles, des sables vitrescibles, des pierres calcaires et de toutes les autres matières qui ont été remuées, travaillées et transportées par les eaux.

Ainsi l’intérieur du globe est une masse de matière vitrescible, peut-être spécifiquement un peu plus pesante que la roche vitreuse, dans les fentes de laquelle nous cherchons les métaux ; mais elle est de même nature, et n’en diffère qu’en ce qu’elle est plus massive et plus pleine : il n’y a de vides et de cavernes que dans les couches extérieures ; l’intérieur doit être plein, car ces cavernes n’ont pu se former qu’à la surface, dans le temps de la consolidation et du premier refroidissement : les fentes perpendiculaires qui se trouvent dans les montagnes ont été formées presque en même temps, c’est-à-dire lorsque les matières se sont resserrées par le refroidissement : toutes ces cavités ne pouvaient se faire qu’à la surface, comme l’on voit dans une masse de verre ou de minéral, fondu les éminences et les trous se présenter à la superficie, tandis que l’intérieur du bloc est solide et plein.

Indépendamment de cette cause générale de la formation des cavernes et des fentes à la surface de la terre, la force centrifuge était une autre cause qui, se combinant avec celle du refroidissement, a produit dans le commencement de plus grandes cavernes, et de plus grandes inégalités dans les climats où elle agissait le plus puissamment. C’est par cette raison que les plus hautes montagnes et les plus grandes profondeurs se sont trouvées voisines des tropiques et de l’équateur ; c’est par la même raison qu’il s’est fait dans ces contrées méridionales plus de bouleversements que nulle part ailleurs. Nous ne pouvons déterminer le point de profondeur auquel les couches de la terre ont été boursouflées par le feu et soulevées en cavernes ; mais il est certain que cette profondeur doit être bien plus grande à l’équateur que dans les autres climats, puisque le globe avant sa consolidation s’y est élevé de six lieues un quart de plus que sous les pôles. Cette espèce de croûte ou de calotte va toujours en diminuant d’épaisseur depuis l’équateur, et se termine à rien sous les pôles ; la matière qui compose cette croûte est la seule qui ait été déplacée dans le temps de la liquéfaction, et refoulée par l’action de la force centrifuge ; le reste de la