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(10) Page 17, ligne 35. Ces grandes volutes pétrifiées, dont quelques-unes ont plusieurs pieds de diamètre. La connaissance de toutes les pétrifications dont on ne trouve plus les analogues vivants, supposerait une étude longue et une comparaison réfléchie de toutes les espèces de pétrifications qu’on a trouvées jusqu’à présent dans le sein de la terre ; et cette science n’est pas encore fort avancée : cependant nous sommes assurés qu’il y a plusieurs de ces espèces, telles que les cornes d’Ammon, les ortocératites, les pierres lenticulaires ou numismales, les bélemnites, les pierres judaïques, les anthropomorphites, etc., qu’on ne peut rapporter à aucune espèce actuellement existante. Nous avons vu des cornes d’Ammon pétrifiées, de 2 et 3 pieds de diamètre, et nous avons été assurés, par des témoins dignes de foi, qu’on en a trouvé une en Champagne plus grande qu’une meule de moulin, puisqu’elle avait 8 pieds de diamètre sur un pied d’épaisseur : on m’a même offert dans le temps de me l’envoyer, mais l’énormité du poids de cette masse, qui est d’environ huit milliers, et la grande distance de Paris, m’a empêché d’accepter cette offre. On ne connaît pas plus les espèces d’animaux auxquels ont appartenu les dépouilles dont nous venons d’indiquer les noms ; mais ces exemples, et plusieurs autres que je pourrais citer, suffirent pour prouver qu’il existait autrefois dans la mer plusieurs espèces de coquillages et de crustacés qui ne subsistent plus. Il en est de même de quelques poissons à écailles ; la plupart de ceux qu’on trouve dans les ardoises et dans certains schistes, ne ressemblent pas assez aux poissons qui nous sont connus, pour qu’on puisse dire qu’ils sont de telle ou telle espèce. Ceux qui sont au Cabinet du Roi, parfaitement conservés dans des masses de pierres, ne peuvent de même se rapporter précisément à nos espèces connues : il paraît donc que, dans tous les genres, la mer a autrefois nourri des animaux dont les espèces n’existent plus.

Mais, comme nous l’avons dit, nous n’avons jusqu’à présent qu’un seul exemple d’une espèce perdue dans les animaux terrestres, et il paraît que c’était la plus grande de toutes, sans même en excepter l’éléphant[NdÉ 1]. Et puisque les exemples des espèces perdues dans les animaux terrestres sont bien plus rares que dans les animaux marins, cela ne semble-t-il pas prouver encore que la formation des premiers est postérieure à celle de ces derniers ?

NOTES SUR LA PREMIÈRE ÉPOQUE.

(11) Page 26, ligne 6. Sur la matière dont le noyau des comètes est composé. J’ai dit dans l’article de la Formation des planètes, que les comètes sont composées d’une matière très solide et très dense. Ceci ne doit pas être pris comme une assertion positive et générale, car il doit y avoir de grandes différences entre la densité de telle ou telle comète, comme il y en a entre la densité des différentes planètes ; mais on ne pourra déterminer cette différence de densité relative entre chacune des comètes, que quand on en connaîtra les périodes de révolution aussi parfaitement que l’on connait les périodes des planètes. Une comète dont la densité serait seulement comme la densité de la planète de Mercure, double de celle de la terre, et qui aurait à son périhélie autant de vitesse que la comète de 1680, serait peut-être suffisante pour chasser hors du soleil toute la quantité de matière qui compose les planètes, parce que la matière de la comète étant dans ce cas huit fois plus dense que la matière solaire, elle communiquerait huit fois autant de mouvement, et chasserait aisément une 8/100 partie de la masse du soleil, aussi aisément qu’un corps dont la densité serait égale à celle de la matière solaire, pourrait en chasser une centième partie.

  1. Il est à peine nécessaire de faire observer que Buffon est fort au-dessous de la vérité quand il parle de « quelques espèces de poissons » perdues, et d’ « une espèce perdue dans les animaux terrestres ». C’est par milliers que l’on compte aujourd’hui les espèces animales disparues.