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à démontrer que l’homme peut modifier les influences du climat qu’il habite, et en fixer, pour ainsi dire, la température au point qu’il lui convient. Et ce qu’il y a de singulier, c’est qu’il lui serait plus difficile de refroidir la terre que de la réchauffer : maître de l’élément du feu, qu’il peut augmenter et propager à son gré, il ne l’est pas de l’élément du froid, qu’il ne peut saisir ni communiquer. Le principe du froid n’est pas même une substance réelle, mais une simple privation ou plutôt une diminution de chaleur, diminution qui doit être très grande dans les hautes régions de l’air, et qui l’est assez à une lieue de distance de la terre pour y convertir en grêle et en neige les vapeurs aqueuses. Car les émanations de la chaleur propre du globe suivent la même loi que toutes les autres quantités ou qualités physiques qui partent d’un centre commun ; et leur intensité décroissant en raison inverse du carré de la distance, il paraît certain qu’il fait quatre fois plus froid à deux lieues qu’à une lieue de hauteur dans notre atmosphère, en prenant chaque point de la surface de la terre pour centre. D’autre part, la chaleur intérieure du globe est constante dans toutes les saisons à 10 degrés au-dessus de la congélation : ainsi tout froid plus grand, ou plutôt toute chaleur moindre de 10 degrés, ne peut arriver sur la terre que par la chute des matières refroidies dans la région supérieure de l’air, où les effets de cette chaleur propre du globe diminuent d’autant plus qu’on s’élève plus haut. Or, la puissance de l’homme ne s’étend pas si loin ; il ne peut faire descendre le froid comme il fait monter le chaud ; il n’a d’autre moyen pour se garantir de la trop grande ardeur du soleil que de créer de l’ombre ; mais il est bien plus aisé d’abattre des forêts à la Guiane pour en réchauffer la terre humide, que d’en planter en Arabie pour en rafraîchir les sables arides : cependant une seule forêt dans le milieu de ces déserts brûlants suffirait pour les tempérer, pour y amener les eaux du ciel, pour rendre à la terre tous les principes de sa fécondité, et par conséquent pour y faire jouir l’homme de toutes les douceurs d’un climat tempéré.

C’est de la différence de température que dépend la plus ou moins grande énergie de la nature ; l’accroissement, le développement et la production même de tous les êtres organisés ne sont que des effets particuliers de cette cause générale : ainsi l’homme, en la modifiant, peut en même temps détruire ce qui lui nuit et faire éclore tout ce qui lui convient. Heureuses les contrées où tous les éléments de la température se trouvent balancés et assez avantageusement combinés pour n’opérer que de bons effets ! Mais en est-il aucune qui dès son origine ait eu ce privilège ? aucune où la puissance de

    niques qu’ils puisent dans le sol, les aliments organiques dont se nourrissent ensuite les herbivores. Ces derniers servant, à leur tour, à l’alimentation des carnivores, on peut dire que toute la matière organique de l’univers est fabriquée par les végétaux ; or, cette matière organique est brûlée par les animaux pour l’entretien de leur chaleur propre et pour la production de leurs mouvements.