Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment général a été dirigé des pôles à l’équateur ; et comme elles venaient en plus grande quantité du pôle austral, elles ont formé de vastes mers dans cet hémisphère, lesquelles vont en se rétrécissant de plus en plus dans l’hémisphère boréal, jusque sous le cercle polaire ; et c’est par ce mouvement, dirigé du sud au nord, que les eaux ont aiguisé toutes les pointes des continents ; mais après leur entier établissement sur la surface de la terre, qu’elles surmontaient partout de deux milles toises[NdÉ 1] ; leur mouvement des pôles à l’équateur ne se sera-t-il pas combiné, avant de cesser, avec le mouvement d’orient en occident ? Et lorsqu’il a cessé tout à coup, les eaux, entraînées par le seul mouvement d’orient en occident, n’ont-elles pas escarpé tous les revers occidentaux des continents terrestres, quand elles se sont successivement abaissées ? Et enfin, n’est-ce pas après leur retraite que tous les continents ont paru et que leurs contours ont pris leur dernière forme ?

Nous observerons d’abord que l’étendue des terres dans l’hémisphère boréal, en le prenant du cercle polaire à l’équateur, est si grande en comparaison de l’étendue des terres prises de même dans l’hémisphère austral, qu’on pourrait regarder le premier comme l’hémisphère terrestre et le second comme l’hémisphère maritime[NdÉ 2]. D’ailleurs, il y a si peu de distance entre les deux continents vers les régions de notre pôle qu’on ne peut guère douter qu’ils ne fussent continus dans les temps qui ont succédé à la retraite des eaux. Si l’Europe est aujourd’hui séparée du Groënland, c’est probablement parce qu’il s’est fait un affaissement considérable entre les terres du Groënland et celles de Norvège et de la pointe de l’Écosse, dont les Orcades, l’île de Shetland, celles de Feroë, de l’Islande et de Hola ne nous montrent plus que les sommets des terrains submergés ; et si le continent de l’Asie n’est plus contigu à celui de l’Amérique vers le nord, c’est sans doute en conséquence d’un effet tout semblable. Ce premier affaissement que les volcans d’Islande paraissent nous indiquer, a non seulement été postérieur aux affaissements des contrées de l’équateur et à la retraite des mers, mais postérieur encore de quelques siècles à la naissance des grands animaux terrestres dans les con-

  1. Buffon admet toujours que l’eau a pendant un certain laps de temps recouvert entièrement le globe terrestre. Cette manière de voir est fort contestée aujourd’hui. « Raisonnant par analogie, dit Lyell, il est probable que la terre ferme, à aucune époque du passé, n’occupa plus d’un quart de la surface d’aucune région donnée. »
  2. Non seulement les terres occupent plus d’étendue au voisinage du pôle boréal qu’autour du pôle austral, mais encore l’étendue des terres polaires est beaucoup plus grande que celle des terres intertropicales, et c’est à cette distribution de la terre ferme qu’on doit attribuer l’abaissement de température que tous nos continents paraissent avoir subi depuis le commencement de la période tertiaire. La température élevée dont jouissaient jadis les régions aujourd’hui tempérées du globe doit être attribuée à ce qu’alors, dans les régions polaires, c’est-à-dire entre les pôles et le 60e degré de latitude, la terre ferme et la mer étaient dans le rapport de 2 1/2 de terre pour 1 de mer. Aujourd’hui, ce rapport est de 1 : 1. D’un autre côté, le rapport de la terre ferme à la mer dans les régions intertropicales a probablement été jadis de 4 : 1, tandis qu’il est aujourd’hui seulement de 2 1/2 : 1. [Note de Wikisource : sur les causes des changements climatiques, voyez nos additions aux avant-dernière et dernière notes sur le premier discours des Époques de la nature.]