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comètes ne soient composées d’une matière très solide et très dense, et qu’elles ne contiennent sous un petit volume un grande quantité de matière ; que, par conséquent, une comète ne puisse avoir assez de masse et de vitesse pour déplacer le soleil et donner un mouvement de projectile à une quantité de matière aussi considérable que l’est la 650e partie de la masse de cet astre. Ceci s’accorde parfaitement avec ce que l’on sait au sujet de la densité des planètes ; on croit qu’elle est d’autant moindre que les planètes sont plus éloignées du soleil et qu’elles ont moins de chaleur à supporter, en sorte que Saturne est moins dense que Jupiter, et Jupiter beaucoup moins dense que la terre : et en effet, si la densité des planètes était, comme le prétend Newton, proportionnelle à la quantité de chaleur qu’elles ont à supporter, Mercure serait sept fois plus dense que la terre, et vingt-huit fois plus dense que le soleil, la comète de 1680 serait 28 000 fois plus dense que la terre, ou 112 000 fois plus dense que le soleil, et, en la supposant grosse comme la terre, elle contiendrait sous ce volume une quantité de matière égale à peu près à la neuvième partie de la masse du soleil, ou, en ne lui donnant que la centième partie de la grosseur de la terre, sa masse serait encore égale à la 900e partie du soleil ; d’où il est aisé de conclure qu’une telle masse, qui ne fait qu’une petite comète, pourrait séparer et pousser hors du soleil une 900e ou une 650e partie de sa masse, surtout si l’on fait attention à l’immense vitesse acquise avec laquelle les comètes se meuvent lorsqu’elles passent dans le voisinage de cet astre.

Une autre analogie, et qui mérite quelque attention, c’est la conformité entre la densité de la matière des planètes et la densité de la matière du soleil. Nous connaissons sur la surface de la terre des matières 14 ou 15 000 fois plus denses les unes que les autres, les densités de l’or et de l’air sont à peu près dans ce rapport ; mais l’intérieur de la terre et le corps des planètes sont composés de parties plus similaires, et dont la densité comparée varie beaucoup moins, et la conformité de la densité de la matière des planètes et de la densité de la matière du soleil est telle, que sur 650 parties qui composent la totalité de la matière des planètes, il y en a plus de 640 qui sont presque de la même densité que la matière du soleil, et qu’il n’y a pas dix parties sur ces 650 qui soient d’une plus grande densité ; car Saturne et Jupiter sont à peu près de la même densité que le soleil, et la quantité de matière que ces deux planètes contiennent est au moins 64 fois plus grande que la quantité de matière des quatre planètes inférieures, Mars, la terre, Vénus et Mercure. On doit donc dire que la matière dont sont composées les planètes en général est à peu près la même que celle du soleil, et que par conséquent cette matière peut en avoir été séparée.

Mais, dira-t-on, si la comète en tombant obliquement sur le soleil, en a sillonné la surface et en a fait sortir la matière qui compose les planètes, il paraît que toutes les planètes, au lieu de décrire des cercles dont le soleil est le centre, auraient au contraire à chaque révolution rasé la surface du soleil, et seraient revenues au même point d’où elles étaient parties, comme ferait tout projectile qu’on lancerait avec assez de force d’un point de la surface de la terre, pour l’obliger à tourner perpétuellement ; car il est aisé de démontrer que ce corps reviendrait à chaque révolution au point d’où il aurait été lancé, et dès lors on ne peut pas attribuer à l’impulsion d’une comète la projection des planètes hors du soleil, puisque leur mouvement autour de cet astre est différent de ce qu’il serait dans cette hypothèse.

À cela je réponds que la matière qui compose les planètes n’est pas sortie de cet astre en globes tout formés, auxquels la comète aurait communiqué son mouvement d’impulsion, mais que cette matière est sortie sous la forme d’un torrent dont le mouvement des parties antérieures a dû être accéléré par celui des parties postérieures ; que d’ailleurs l’attraction des parties antérieures a dû aussi accélérer le mouvement des parties postérieures, et que cette accélération de mouvement, produite par l’une ou l’autre de ces