Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tent les terres basses, sont découvertes tout autour et présentent dans leur penchant une coupe ou perpendiculaire ou inclinée, dans l’étendue de laquelle les eaux qui tombent sur le sommet de la montagne et sur les plaines élevées, après avoir pénétré dans les terres, ne peuvent manquer de trouver issue et de sortir de plusieurs endroits en forme de sources et de fontaines, et, par conséquent, il n’y aura que peu ou point d’eau, sous les montagnes : dans les plaines, au contraire, comme l’eau qui se filtre dans les terres ne peut trouver d’issue, il y aura des amas d’eau souterrains dans les cavités de la terre, et une grande quantité d’eau qui suintera à travers les fentes des glaises et des terres fermes, ou qui se trouvera dispersée et divisée dans les graviers et dans les sables. C’est cette eau qu’on trouve partout dans les lieux bas ; pour l’ordinaire, le fond d’un puits n’est autre chose qu’un petit bassin dans lequel les eaux qui suintent des terres voisines se rassemblent en tombant d’abord goutte à goutte, et ensuite en filets d’eau continus, lorsque les routes sont ouvertes aux eaux les plus éloignées ; en sorte qu’il est vrai de dire que, quoique dans les plaines basses on trouve de l’eau partout, on ne pourrait cependant y faire qu’un certain nombre de puits, proportionné à la quantité d’eau dispersée, ou plutôt à l’étendue des terres plus élevées d’où ces eaux tirent leur source.

Dans la plupart des plaines, il n’est pas nécessaire de creuser jusqu’au niveau de la rivière pour avoir de l’eau : on la trouve ordinairement à une moindre profondeur, et il n’y a pas d’apparence que l’eau des fleuves et des rivières s’étende loin en se filtrant à travers les terres. On ne doit pas non plus leur attribuer l’origine de toutes les eaux qu’on trouve au-dessous de leur niveau dans l’intérieur de la terre ; car, dans les torrents, dans les rivières qui tarissent, dans celles dont on détourne le cours, on ne trouve pas, en fouillant dans leur lit, plus d’eau qu’on n’en trouve dans les terres voisines ; il ne faut qu’une langue de terre de cinq ou six pieds d’épaisseur pour contenir l’eau et l’empêcher de s’échapper, et j’ai souvent observé que les bords des ruisseaux et des mares ne sont pas sensiblement humides à six pouces de distance. Il est vrai que l’étendue de la filtration est plus ou moins grande selon que le terrain est plus ou moins pénétrable ; mais, si l’on examine les ravines qui se forment dans les terres et même dans les sables, on reconnaîtra que l’eau passe toute dans le petit espace qu’elle se creuse elle-même et qu’à peine les bords sont mouillés à quelques pouces de distance dans ces sables ; dans les terres végétales même, où la filtration doit être beaucoup plus grande que dans les sables et dans les autres terres, puisqu’elle est aidée de la force du tuyau capillaire, on ne s’aperçoit pas qu’elle s’étende fort loin. Dans un jardin, on arrose abondamment, et on inonde, pour ainsi dire, une planche, sans que les planches voisines s’en ressentent considérablement ; j’ai remarqué, en examinant de gros monceaux de terre de jardin de huit ou dix pieds d’épaisseur qui n’avaient pas été remués depuis