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rivière, souvent chaque tente a son puits au moyen de quelques coups de pioche.

Cette quantité d’eau qu’on trouve partout dans les lieux bas vient des terres supérieures et des collines voisines, au moins pour la plus grande partie ; car, dans le temps des pluies et de la fonte des neiges, une partie des eaux coule sur la surface de la terre, et le reste pénètre dans l’intérieur à travers les petites fentes des terrés et des rochers, et cette eau sourcille en différents endroits lorsqu’elle trouve des issues, ou bien elle se filtre dans les sables, et lorsqu’elle vient à trouver un fond de glaise ou de terre ferme et solide, elle forme des lacs, des ruisseaux, et peut-être des fleuves souterrains dont le cours et l’embouchure nous sont inconnus, mais dont cependant par les lois de la nature le mouvement ne peut se faire qu’en allant d’un lieu plus élevé dans un lieu plus bas, et par conséquent ces eaux souterraines doivent tomber dans la mer ou se rassembler dans quelque lieu bas de la terre, soit à la surface, soit dans l’intérieur du globe ; car nous connaissons sur la terre quelques lacs dans lesquels il n’entre et desquels il ne sort aucune rivière, et il y en a un nombre beaucoup plus grand qui, ne recevant aucune rivière considérable, sont les sources des plus grands fleuves de la terre, comme les lacs du fleuve Saint-Laurent, le lac Chiamé, d’où sortent deux grandes rivières qui arrosent les royaumes d’Asem et de Pégu, les lacs d’Assiniboils en Amérique, ceux d’Ozera en Moscovie, celui qui donne naissance au fleuve Bog, celui d’où sort la grande rivière Irtis, etc., et une infinité d’autres qui semblent être les réservoirs[1] d’où la nature verse de tous côtés les eaux qu’elle distribue sur la surface de la terre. On voit bien que ces lacs ne peuvent être produits que par les eaux des terres supérieures qui coulent par de petits canaux souterrains en se filtrant à travers les graviers et les sables, et viennent toutes se rassembler dans les lieux les plus bas où se trouvent ces grands amas d’eau. Au reste, il ne faut pas croire, comme quelques gens l’ont avancé, qu’il se trouve des lacs au sommet des plus hautes montagnes ; car ceux qu’on trouve dans les Alpes et dans les autres lieux hauts, sont tous surmontés par des terres beaucoup plus hautes, et sont au pied d’autres montagnes peut-être plus élevées que les premières ; ils tirent leur origine des eaux qui coulent à l’extérieur ou se filtrent dans l’intérieur de ces montagnes, tout de même que les eaux des vallons et des plaines tirent leur source des collines voisines et des terres plus éloignées qui les surmontent.

Il doit donc se trouver, et il se trouve en effet dans l’intérieur de la terre, des lacs et des eaux répandues, surtout au-dessous des plaines[2] et des grandes vallées ; car les montagnes, les collines et toutes les hauteurs qui surmon-

  1. Voyez les Preuves, art. xi.
  2. Voyez les Preuves, art. xviii.