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ception des tufs, on trouve ces fentes perpendiculaires ou vides, ou remplies de quelques matières que l’eau y a conduites.

Il me semble qu’on ne doit pas aller chercher loin la cause de l’origine de ces fentes perpendiculaires ; comme toutes les matières ont été amenées et déposées par les eaux, il est naturel de penser qu’elles étaient détrempées et qu’elles contenaient d’abord une grande quantité d’eau ; peu à peu, elles se sont durcies et ressuyées, et en se desséchant elles ont diminué de volume, ce qui les a fait fendre de distance en distance : elles ont dû se fendre perpendiculairement, parce que l’action de la pesanteur des parties les unes sur les autres est nulle dans cette direction, et qu’au contraire elle est tout à fait opposée à cette disruption dans la situation horizontale, ce qui a fait que la diminution de volume n’a pu avoir d’effet sensible que dans la direction verticale. Je dis que c’est la diminution du volume par le desséchement qui seule a produit ces fentes perpendiculaires, et que ce n’est pas l’eau contenue dans l’intérieur de ces matières qui a cherché des issues et qui a formé ces fentes ; car j’ai souvent observé que les deux parois de ces fentes se répondent dans toute leur hauteur aussi exactement que deux morceaux de bois qu’on viendrait de fendre : leur intérieur est rude et ne paraît pas avoir essuyé le frottement des eaux qui auraient à la longue poli et usé les surfaces ; ainsi ces fentes se sont faites ou tout à coup, ou peu à peu par le dessèchement, comme nous voyons les gerçures se faire dans les bois, et la plus grande partie de l’eau s’est évaporée par les pores. Mais nous ferons voir, dans notre discours sur les minéraux, qu’il reste encore de cette eau primitive dans les pierres et dans plusieurs autres matières, et qu’elle sert à la production des cristaux, des minéraux et de plusieurs autres substances terrestres[NdÉ 1].

L’ouverture de ces fentes perpendiculaires varie beaucoup pour la grandeur ; quelques-unes n’ont qu’un demi-pouce, un pouce ; d’autres ont un pied, deux pieds, il y en a qui ont quelquefois plusieurs toises, et ces dernières forment entre les deux parties du rocher ces précipices qu’on rencontre si souvent dans les Alpes et dans toutes les hautes montagnes : on voit bien que celles dont l’ouverture est petite ont été produites par le seul dessèchement, mais celles qui présentent une ouverture de quelques pieds de largeur ne se sont pas augmentées à ce point par cette seule cause, c’est aussi parce que la base qui porte le rocher ou les terres supérieures, s’est affaissée un peu plus d’un côté que de l’autre, et un petit affaissement dans

  1. L’explication que donne Buffon de la formation des failles montre plus de logique qu’elle n’est exacte. Ayant admis que les montagnes étaient des dépôts abandonnés par les eaux, il suppose que ces dépôts, d’abord très riches en eau, se sont desséchés ensuite et se sont fendus en se rétractant. Plus tard, quand on a considéré les montagnes comme produites par des soulèvements brusques du sol, on a considéré les failles comme résultant de fissures et de déplacements également brusques des roches. Avec Lyell, la majorité des géologues les considère aujourd’hui comme dues à des glissements, à des affaissements lents du sol.