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comme la province de l’embouchure du fleuve Jaune à la Chine, la Louisiane à l’embouchure du Mississipi, et la partie septentrionale de l’Égypte qui doit son origine[1] et son existence aux inondations[2] du Nil. La rapidité de ce fleuve entraîne les terres de l’intérieur de l’Afrique, et il les dépose ensuite dans ses débordements en si grande quantité qu’on peut fouiller jusqu’à cinquante pieds dans l’épaisseur de ce limon déposé par les inondations du Nil ; de même, les terrains de la province de la rivière Jaune et de la Louisiane ne se sont formés que par le limon des fleuves.

Au reste, la mer Caspienne est actuellement un vrai lac qui n’a aucune communication avec les autres mers, pas même avec le lac Aral, qui paraît en avoir fait partie, et qui n’en est séparé que par un vaste pays de sable dans lequel on ne trouve ni fleuves, ni rivières, ni aucun canal par lequel la mer Caspienne puisse verser ses eaux. Cette mer n’a donc aucune communication extérieure avec les autres mers, et je ne sais si l’on est bien fondé à soupçonner qu’elle en a d’intérieure avec la mer Noire ou avec le golfe Persique. Il est vrai que la mer Caspienne reçoit le Volga et plusieurs autres fleuves qui semblent lui fournir plus d’eau que l’évaporation n’en peut enlever ; mais, indépendamment de la difficulté de cette estimation, il paraît que si elle avait communication avec l’une ou l’autre de ces mers, on y aurait reconnu un courant rapide et constant qui entraînerait tout vers cette ouverture qui servirait de décharge à ses eaux, et je ne sache pas qu’on ait jamais rien observé de semblable sur cette mer ; des voyageurs exacts, sur le témoignage desquels on peut compter, nous assurent le contraire, et, par conséquent, il est nécessaire que l’évaporation enlève de la mer Caspienne une quantité d’eau égale à celle qu’elle reçoit.

On pourrait encore conjecturer avec quelque vraisemblance que la mer Noire sera un jour séparée de la Méditerranée, et que le Bosphore se remplira lorsque les grands fleuves qui ont leurs embouchures dans le Pont-Euxin auront amené une assez grande quantité de terre pour fermer le détroit ; ce qui peut arriver avec le temps, et par la diminution successive des fleuves, dont la quantité des eaux diminue à mesure que les montagnes et les pays élevés, dont ils tirent leurs sources, s’abaissent par le dépouillement des terres que les pluies entraînent et que les vents enlèvent.

La mer Caspienne et la mer Noire doivent donc être regardées plutôt comme des lacs que comme des mers ou des golfes de l’Océan ; car elles ressemblent à d’autres lacs qui reçoivent un grand nombre de fleuves et qui ne rendent rien par les voies extérieures, comme la mer Morte, plusieurs lacs en Afrique, etc. ; d’ailleurs, les eaux de ces deux mers ne sont pas à beaucoup près aussi salées que celles de la Méditerranée ou de l’Océan, et

  1. Voyez les Voyages de Shaw, vol. ii, p. 173 jusqu’à la p. 188.
  2. Voyez les Preuves, art. xix.