Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/435

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

: 2, ou : : 1/250 : 1. Mais cette estimation serait fautive, et l’erreur deviendrait d’autant plus grande que les climats seraient plus froids. Il n’y a donc que celui de l’équateur jusqu’aux tropiques, ou la chaleur étant en toutes saisons presque égale, on puisse établir avec fondement la proportion entre la chaleur des émanations de la terre et des accédions de la chaleur solaire. Or ce rapport dans tout ce vaste climat, où les étés et les hivers sont presque égaux, est à très peu près : : 50 : 1. C’est par cette raison que j’ai adopté cette proportion, et que j’en ai fait la base du calcul de mes recherches.

Néanmoins, je ne prétends pas assurer affirmativement que la chaleur propre de la terre soit réellement cinquante fois plus grande que celle qui lui vient du soleil : comme cette chaleur du globe appartient à toute la matière terrestre, dont nous faisons partie, nous n’avons point de mesure que nous puissions en séparer, ni par conséquent d’unité sensible et réelle à laquelle nous puissions en rapporter. Mais quand même on voudrait que la chaleur solaire fût plus grande ou plus petite que nous ne l’avons supposée, relativement à la chaleur terrestre, notre théorie ne changerait que par la proportion des résultats.

Par exemple, si nous renfermons toute l’étendue de nos sensations du plus grand chaud au plus grand froid dans les limites données par les observations de M. Amontons, c’est-à-dire entre 7 et 8 ou dans 1/8, et qu’en même temps nous supposions que la chaleur du soleil peut produire seule cette différence de nos sensations, on aura dès lors la proportion de 8 à 1 de la chaleur propre du globe terrestre à celle qui lui vient du soleil, et par conséquent la compensation que fait actuellement sur la terre cette chaleur du soleil serait de 1/8, et la compensation qu’elle a faite dans le temps de l’incandescence aura été 1/200. Ajoutant ces deux termes, on a 26/200 qui, multipliés par 12 1/2, moitié de la somme de tous les termes de la diminution de la chaleur, donnent 325/200 ou 1 5/8 pour la compensation totale qu’a faite la chaleur du soleil pendant la période de 74 047 ans du refroidissement de la terre à la température actuelle. Et comme la perte totale de la chaleur propre est à la compensation totale en même raison que le temps de la période est à celui du refroidissement, on aura 25 : 1 5/8 : : 74 047 : 4 813 1/25, en sorte que le refroidissement du globe de la terre, au lieu de n’avoir été prolongé que de 770 ans, l’aurait été de 4 813 1/25 ans ; ce qui, joint au prolongement plus long que produirait aussi la chaleur de la lune dans cette supposition, donnerait plus de 5 000 ans, dont il faudrait encore reculer la date de la formation des planètes.

Si l’on adopte les limites données par M. de Mairan, qui sont de 31 à 32, et qu’on suppose que la chaleur solaire n’est que de 1/32 de celle de la terre, on n’aura que le quart de ce prolongement, c’est-à-dire environ 1 250 ans, au lieu de 770 que donne la supposition de 1/50 que nous avons adoptée.

Mais, au contraire, si l’on supposait que la chaleur du soleil n’est que 1/250 de celle de la terre, comme cela paraît résulter des observations faites au climat de Paris, on aurait pour la compensation dans le temps de l’incandescence 1/6250, et 1/250 pour la compensation à la fin de la période de 74 047 ans du refroidissement du globe terrestre à la température actuelle, et l’on trouverait 13/250 pour la compensation totale, faite par la chaleur du soleil pendant cette période, ce qui ne donnerait que 154 ans, c’est-à-dire le cinquième de 770 ans pour le temps du prolongement du refroidissement. Et de même si, au lieu de 1/50, nous supposions que la chaleur solaire fût de 1/10 de la chaleur terrestre, nous trouverions que le temps du prolongement serait cinq fois plus long, c’est-à-dire de 3 850 ans ; en sorte que plus on voudra augmenter la chaleur qui nous vient du soleil, relativement à celle qui émane de la terre, et plus on étendra la durée de la nature, et l’on reculera le terme de l’antiquité du monde ; car en supposant que cette chaleur du soleil sur la terre fût égale à la chaleur propre du globe, on trouverait que le temps du prolongement serait de 38 504 ans, ce qui par conséquent donnerait à la terre 38 ou 39 mille ans d’ancienneté de plus.