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aurait été aussi refroidie que la terre le sera dans 74 817 ans, si rien n’eût compensé la perte de la chaleur propre de cette planète.

Mais la lune n’a pu envoyer à la terre une chaleur un peu considérable que pendant le temps qu’a duré son incandescence et son état de chaleur jusqu’au degré de la température actuelle de la terre, et elle serait en effet arrivée à ce point de refroidissement en 14 323 ans, si rien n’eût compensé la perte de sa chaleur propre ; mais nous démontrerons tout à l’heure que, pendant cette période de 14 323 ans, la chaleur du soleil a compensé la perte de la chaleur de la lune assez pour prolonger le temps de son refroidissement de 149 ans, et nous démontrerons de même que la chaleur envoyée par la terre à la lune, pendant cette même période de 14 323 ans, a prolongé son refroidissement de 1 937 ans. Ainsi, la période réelle du temps du refroidissement de la lune, depuis l’incandescence jusqu’à la température actuelle de la terre, doit être augmentée de 2 086 ans, et se trouve être de 16 409 ans, au lieu de 14 323 ans.

Supposant donc la chaleur qu’elle nous envoyait dans le temps de son incandescence égale à celle qui nous vient du soleil, parce que ces deux astres nous présentent chacun une surface à peu près égale, on verra que cette chaleur envoyée par la lune, étant comme celle du soleil 1/50 de la chaleur actuelle du globe terrestre, ne faisait compensation, dans le temps de l’incandescence, que de 1/1250 à la perte de la chaleur intérieure de notre globe, parce qu’il était lui-même en incandescence, et qu’alors sa chaleur propre était vingt-cinq fois plus grande qu’elle ne l’est aujourd’hui. Or, au bout de 16 409 ans la lune étant refroidie au même point de température que l’est actuellement la terre, la chaleur que cette planète lui envoyait dans ce temps n’aurait pu faire qu’une compensation vingt-cinq fois plus petite que la première, c’est-à-dire 1 31250, si le globe terrestre eût conservé son état d’incandescence ; mais sa première chaleur ayant diminué de 1/25 tous les 2 962 ans, elle n’était plus que de 19 1/2 environ au bout de 16 409 ans. Ainsi, la compensation que faisait alors la chaleur de la lune, au lieu de n’être que de 1/31250, était de 19 1/2/25/31250. En ajoutant ces deux termes de compensation du premier et du dernier temps, c’est-à-dire 1/1250 avec 19 1/2/25/31250, on aura 25 19 1/2/25/31250 pour la somme de ces deux compensations, qui, étant multipliées par 12 1/2, moitié de la somme de tous les termes, donne 309 3/4/31250 pour la compensation totale qu’a faite la chaleur envoyée par la lune à la terre pendant les 16 409 ans. Et comme la perte de la chaleur propre est à la compensation en même raison que le temps total de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 309 3/4/31250 : : 16 409 : 6 62/125 environ. Ainsi, la chaleur que la lune a envoyée sur le globe terrestre pendant 16 409 ans, c’est-à-dire depuis l’état de son incandescence jusqu’à celui où elle avait une chaleur égale à la température actuelle de la terre, n’a prolongé le refroidissement de notre globe que de 6 ans 1/2 environ, qui, étant ajoutés aux 74 817 ans que nous avons trouvés précédemment, font en tout 74 823 ans environ, qu’on doit encore augmenter de 8 ans, parce que nous n’avons compté que 74 047 ans, au lieu de 74 817 pour le temps du refroidissement de la terre, et que 74 047 ans : 770 : : 770 : 8 ans environ, et par conséquent on peut réellement assigner 74 831 1/2 ou 77 832 ans à très peu près pour le temps précis qui s’est écoulé depuis l’incandescence de la terre jusqu’à son refroidissement à la température actuelle.

On voit, par cette évaluation de la chaleur que la lune a envoyée sur la terre, combien est encore plus petite la compensation que la chaleur des cinq autres planètes a pu faire à la perte de la chaleur intérieure de notre globe ; ces cinq planètes prises ensemble