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ce qui, par comparaison avec les matières que donne aujourd’hui le Vésuve, peut démontrer que la solfatare a formé la bouche d’un volcan…

» Le bassin de la solfatare a souvent changé de forme ; on peut conjecturer qu’il en prendra encore d’autres, différentes de celle qu’il offre aujourd’hui : ce terrain se mine et se creuse tous les jours ; il forme maintenant une voûte qui couvre un abîme… ; si cette voûte venait à s’affaisser, il est probable que, se remplissant d’eau, elle produirait un lac[1]. »

M. Fougeroux de Bondaroy a aussi fait plusieurs observations sur les solfatares de quelques autres endroits de l’Italie.

« J’ai été, dit-il, jusqu’à la source d’un ruisseau que l’on passe entre Rome et Tivoli, et dont l’eau a une forte odeur de foie de soufre… ; elle forme deux petits lacs d’environ 40 toises dans leur plus grande étendue…

» L’un de ces lacs, suivant la corde que nous avons été obligé de filer, a, en certains endroits, jusqu’à 60, 70 ou 80 brasses… On voit sur ces eaux plusieurs petites îles flottantes qui changent quelquefois de place… ; elles sont produites par des plantes réduites en une espèce de tourbe, sur lesquelles les eaux, quoique corrosives, n’ont plus de prise…

» J’ai trouvé la chaleur de ces eaux de 20 degrés, tandis que le thermomètre à l’air libre était à 18 degrés ; ainsi les observations que nous avons faites n’indiquent qu’une très faible chaleur dans ces eaux… ; elles exhalent une odeur fort désagréable… ; et cette vapeur change la couleur des végétaux et celle du cuivre[2]. »

« La solfatare de Viterbe, dit M. l’abbé Mazéas, n’a une embouchure que de trois à quatre pieds ; ses eaux bouillonnent et exhalent une odeur de foie de soufre et pétrifient aussi leurs canaux, comme celles de Tivoli… ; leur chaleur est au degré de l’eau bouillante, quelquefois au-dessous… ; des tourbillons de fumée qui s’en élèvent quelquefois annoncent une chaleur plus grande ; et néanmoins le fond du bassin est tapissé des mêmes plantes qui croissent au fond des lacs et des marais ; ces eaux produisent du vitriol dans les terrains ferrugineux, etc.[3].

» Dans plusieurs montagnes de l’Apennin, et principalement dans celles qui sont sur le chemin de Bologne à Florence, on trouve des feux, ou simplement des vapeurs, qui n’ont besoin que de l’approche d’une flamme pour brûler elles-mêmes…

» Les feux de la montagne Cénida, proche Pietramala, sont placés à différentes hauteurs de la montagne, sur laquelle on compte quatre bouches à feu qui jettent des flammes… : un de ces feux est dans un espace circulaire entouré de buttes… ; la terre y paraît brûlée, et les pierres sont plus noires que celles des environs ; il en sort çà et là une flamme bleue, vive, ardente, claire, qui s’élève à 3 ou 4 pieds de hauteur… ; mais, au delà de l’espace circulaire, on ne voit aucun feu, quoique à plus de 60 pieds du centre des flammes, on s’aperçoive encore de la chaleur que conserve le terrain…

» Le long d’une fente ou crevasse voisine du feu, on entend un bruit sourd comme serait celui d’un vent qui traverserait un souterrain… ; près de ce lieu, on trouve deux sources d’eaux chaudes… Ce terrain, dans lequel le feu existe depuis du temps, n’est ni enfoncé ni relevé… ; on ne voit près du foyer aucune pierre de volcan, ni rien qui puisse annoncer que ce feu ait jeté ; cependant des monticules près de cet endroit rassemblent tout ce qui peut prouver qu’ils ont été anciennement formés ou au moins changés par les volcans… En 1767, on ressentit même des secousses de tremblement de terre dans les environs, sans que le feu changeât, ni qu’il donnât plus ou moins de fumée…

  1. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1765, p. 267 jusqu’à 283.
  2. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1770, p. 1 jusqu’à 7.
  3. Mémoires des Savants étrangers, t. V, p. 320.