Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il pas mieux faire suivre le cheval qui est solipède, par le chien qui est fissipède, et qui a coutume de le suivre en effet, que par un zèbre qui nous est peu connu, et qui n’a peut-être d’autre rapport avec le cheval que d’être solipède[NdÉ 1] ? D’ailleurs n’y a-t-il pas le même inconvénient pour les différences dans cet arrangement que dans le nôtre ? un lion parce qu’il est fissipède ressemble-t-il à un rat qui est aussi fissipède, plus qu’un cheval ne ressemble à un chien ? un éléphant solipède[NdÉ 2] ressemble-t-il plus à un âne solipède aussi, qu’à un cerf qui est pied-fourchu ? Et si on veut se servir de la nouvelle méthode dans laquelle les dents et les mamelles sont les caractères spécifiques, sur lesquels sont fondées les divisions et les distributions, trouvera-t-on qu’un lion ressemble plus à une chauve-souris qu’un cheval ne ressemble à un chien ? ou bien, pour faire notre comparaison encore plus exactement, un cheval ressemble-t-il plus à un cochon qu’à un chien, ou un chien ressemble-t-il plus à une taupe qu’un cheval[1] ? Et puisqu’il y a autant d’inconvénients et des différences aussi grandes dans ces méthodes d’arrangement que dans la nôtre, et que d’ailleurs ces méthodes n’ont pas les mêmes avantages, et qu’elles sont beaucoup plus éloignées de la façon ordinaire et naturelle de considérer les choses, nous croyons avoir eu des raisons suffisantes pour lui donner la préférence, et ne suivre dans nos distributions que l’ordre des rapports que les choses nous ont paru avoir avec nous-mêmes.

Nous n’examinerons pas en détail toutes les méthodes artificielles que l’on a données pour la division des animaux, elles sont toutes plus ou moins sujettes aux inconvénients dont nous avons parlé au sujet des méthodes de botanique, et il nous paraît que l’examen d’une seule de ces méthodes suffit pour faire découvrir les défauts des autres ; ainsi, nous nous bornerons ici à examiner celle de M. Linnæus qui est la plus nouvelle, afin que l’on soit en état de juger si nous avons eu raison de la rejeter, et de nous attacher seulement à l’ordre naturel dans lequel tous les hommes ont coutume de voir et de considérer les choses.

M. Linnæus divise tous les animaux en six classes, savoir : les quadrupèdes, les oiseaux, les amphibies, les poissons, les insectes et les vers. Cette première division est, comme l’on voit, très arbitraire et fort incomplète, car elle ne nous donne aucune idée de certains genres d’animaux, qui sont cependant très considérables et très étendus, les serpents, par exemple, les coquillages, les crustacés, et il paraît au premier coup d’œil qu’ils ont été

  1. Le lecteur n’aura pas de peine à comprendre ce que renferme de paradoxal tout cet alinéa.
  2. L’éléphant n’a pas les pieds constitués comme celui de l’âne. Ses pieds sont munis chacun de cinq doigts recouverts et ne manifestant leur présence au dehors que par les ongles qui les terminent ; les pieds de l’âne ne reposent sur le sol que par un seul doigt.
  1. Voyez Linn. Sys. nat., p. 65 et suiv.