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jeter dans un lac, à trois lieues du mont Krafle, avec un grand bruit, et en formant un bouillonnement et un tourbillon d’écume horrible. La lave ne cessa de couler qu’en 1729, parce qu’alors vraisemblablement la matière qui la formait était épuisée. Ce lac fut rempli d’une grande quantité de pierres calcinées qui firent considérablement élever ses eaux ; il a environ vingt lieues de circuit, et il est situé à une pareille distance de la mer. On ne parlera pas des autres volcans d’Islande ; il suffit d’avoir fait remarquer les plus considérables[1].

On voit, par cette description, que rien ne ressemble plus aux volcans secondaires de l’Etna que les jokuts de l’Hécla ; que, dans tous deux, le haut sommet est tranquille ; que celui du Vésuve s’est prodigieusement abaissé, et que probablement ceux de l’Etna et de l’Hécla étaient autrefois beaucoup plus élevés qu’ils ne le sont aujourd’hui.

Quoique la topographie des volcans dans les autres parties du monde ne nous soit pas aussi bien connue que celle des volcans d’Europe, nous pouvons néanmoins juger, par analogie et par la conformité de leurs effets, qu’ils se ressemblent à tous égards : tous sont situés dans les îles ou sur le bord des continents ; presque tous sont environnés de volcans secondaires ; les uns sont agissants, les autres éteints ou assoupis ; et ceux-ci sont en bien plus grand nombre, même dans les Cordillères, qui paraissent être le domaine le plus ancien des volcans. Dans l’Asie méridionale, les îles de la Sonde, les Moluques et les Philippines, ne retracent que destruction par le feu et sont encore pleines de volcans ; les îles du Japon en contiennent de même un assez grand nombre, c’est le pays de l’univers qui est aussi le plus sujet aux tremblements de terre ; il y a des fontaines chaudes en beaucoup d’endroits ; la plupart des îles de l’Océan Indien et de toutes les mers de ces régions orientales ne nous présentent que des pics et des sommets isolés qui vomissent le feu, que des côtes et des rivages tranchés, restes d’anciens continents qui ne sont plus : il arrive même encore souvent aux navigateurs d’y rencontrer des parties qui s’affaissent journellement ; et l’on y a vu des îles entières disparaître ou s’engloutir avec leurs volcans sous les eaux. Les mers de la Chine sont chaudes, preuve de la forte effervescence des bassins maritimes en cette partie ; les ouragans y sont affreux ; on y remarque souvent des trombes ; les tempêtes sont toujours annoncées par un bouillonnement général et sensible des eaux, et par divers météores et autres exhalaisons dont l’atmosphère se charge et se remplit.

Le volcan de Ténériffe a été observé par le docteur Thomas Héberden, qui a résidé plusieurs années au bourg d’Oratava, situé au pied du pic : il trouva en y allant quelques grosses pierres, dispersées de tous côtés à plusieurs lieues du sommet de cette montagne ; les unes paraissaient entières ; d’autres semblaient avoir été brûlées et jetées à cette distance par le volcan ; en montant la montagne, il vit encore des rochers brûlés qui étaient dispersés en assez grosses masses.

« En avançant, dit-il, nous arrivâmes à la fameuse grotte de Zegds, qui est environnée de tous côtés par des masses énormes de rochers brûlés…

» À un quart de lieue plus haut, nous trouvâmes une plaine sablonneuse, du milieu de laquelle s’élève une pyramide de sable ou de cendres jaunâtres, que l’on appelle le pain de sucre. Autour de sa base, on voit sans cesse transpirer des vapeurs fuligineuses : de là jusqu’au sommet, il peut y avoir un demi-quart de lieue ; mais la montée en est très difficile, par sa hauteur escarpée et le peu d’assiette qu’on trouve dans tout ce terrain…

» Cependant nous parvînmes à ce qu’on appelle la chaudière : cette ouverture a 12 ou 15 pieds de profondeur ; ses côtés, se rétrécissant toujours jusqu’au fond, forment une concavité qui ressemble à un cône tronqué dont la base serait renversée… ; la terre en

  1. Histoire générale des voyages, t. XVIII, p. 9, 10 et 11.