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à mi-côte, entre la montagne de cendres et de pierres sorties du volcan, est une enceinte demi-circulaire de rochers escarpés de 200 pieds de haut, qui bordent cette petite plaine du côté du nord. On peut voir, d’après les soupiraux, récemment ouverts dans les flancs de la montagne, les endroits par où se sont échappés, dans le temps de sa dernière éruption, les torrents de lave dont tout ce vallon est rempli.

» Ce spectacle présente l’apparence de flots métalliques refroidis et congelés ; on peut s’en former une idée imparfaite, en imaginant une mer d’une matière épaisse et tenace dont les vagues commenceraient à se calmer. Cette mer avait ses îles : ce sont des masses isolées, semblables à des rochers creux et spongieux, ouverts en arcades et en grottes bizarrement percées, sous lesquelles la matière ardente et liquide s’était fait des dépôts ou des réservoirs qui ressemblaient à des fourneaux. Ces grottes, leurs voûtes et leurs piliers… étaient chargés de scories suspendues en forme de grappes irrégulières de toutes les couleurs et de toutes les nuances…

» Toutes les montagnes ou coteaux des environs de Naples seront visiblement reconnus à l’examen pour des amas de matières vomies par des volcans qui n’existent plus, et dont les éruptions antérieures aux histoires ont vraisemblablement formé les ports de Naples et de Pouzzol. Ces mêmes matières se reconnaissent sur toute la route de Naples à Rome, et aux portes de Rome même…

» Tout l’intérieur de la montagne de Frascati,… la chaîne de collines qui s’étend de cet endroit à Grotta-Ferrata, à Castelgandolfo, jusqu’au lac d’Albano, la montagne de Tivoli en grande partie, celle de Caprarola, de Viterbe, etc., sont composées de divers lits de pierres calcinées, de cendres pures, de scories, de matières semblables au mâchefer, à la terre cuite, à la lave proprement dite, enfin toutes pareilles à celles dont est composé le sol de Portici et à celles qui sont sorties des flancs du Vésuve sous tant de formes différentes… Il faut donc nécessairement que toute cette partie de l’Italie ait été bouleversée par des volcans…

» Le lac d’Albano, dont les bords sont semés de matières calcinées, n’est que la bouche d’un ancien volcan, etc…La chaîne des volcans de l’Italie s’étend jusqu’en Sicile, et offre encore un assez grand nombre de foyers visibles sous différentes formes ; en Toscane, les exhalaisons de Firenzuola, les eaux thermales de Pise ; dans l’État ecclésiastique, celles de Viterbe, de Norcia, de Nocera, etc. ; dans le royaume de Naples, celles d’Ischia, la Solfatara, le Vésuve ; en Sicile et dans les îles voisines, l’Etna, les volcans de Lipari, Stromboli, etc. : d’autres volcans de la même chaîne éteints ou épuisés de temps immémorial, n’ont laissé que des résidus, qui, bien qu’ils ne frappent pas toujours au premier aspect, n’en sont pas moins reconnaissables aux yeux attentifs[1]… »

« Il est vraisemblable, dit M. l’abbé Mecati, que dans les siècles passés le royaume de Naples avait, outre le Vésuve, plusieurs autres volcans…

» Le mont Vésuve, dit le P. de la Torré, semble une partie détachée de cette chaîne de montagnes qui, sous le nom d’Apennins, divise toute l’Italie dans sa longueur… Ce volcan est composé de trois monts différents, l’un est le Vésuve proprement dit ; les deux autres sont les monts Somma et d’Ottajano. Ces deux derniers, placés plus occidentalement, forment une espèce de demi-cercle autour du Vésuve, avec lequel ils ont des racines communes.

» Cette montagne était autrefois entourée de campagnes fertiles, et couverte elle-même d’arbres et de verdure, excepté sa cime qui était plate et stérile, et où l’on voyait plusieurs cavernes entr’ouvertes. Elle était environnée de quantité de rochers qui en ren-

  1. Voyage en Italie, par M. de La Condamine. Académie des sciences, année 1757, p. 371 jusqu’à 379.