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couches de la terre, jadis horizontales, sont souvent inclinées de plus de 45 degrés ; ce qui démontre que la masse entière de chaque portion de montagne, dont les bancs sont parallèles entre eux, a penché tout en bloc, et s’est assise dans le moment de l’affaissement sur une base inclinée de 45 degrés ; c’est la cause la plus générale de l’inclinaison des couches dans les montagnes. C’est par la même raison que l’on trouve souvent, entre deux éminences voisines, des couches qui descendent de la première et remonte à la seconde, après avoir traversé le vallon ; ces couches sont horizontales et gisent à la même hauteur dans les deux collines opposées, entre lesquelles la caverne s’étant écroulée, la terre s’est affaissée, et le vallon s’est formé sans autre dérangement dans les couches de la terre que le plus ou moins d’inclinaison, suivant la profondeur du vallon et la pente des deux coteaux correspondants.

C’est là le seul effet sensible de l’affaissement des cavernes dans les montagnes et dans les autres parties des continents terrestres ; mais toutes les fois que cet effet arrive dans le sein de la mer, où les affaissements doivent être plus fréquents que sur la terre, puisque l’eau mine continuellement les voûtes dans tous les endroits où elles soutiennent le fond de la mer, alors ces affaissements, non seulement dérangent et font pencher les couches de la terre, mais ils produisent encore un autre effet sensible en faisant baisser le niveau des mers ; sa hauteur s’est déjà déprimée de deux mille toises par ces affaissements successifs depuis la première occupation des eaux ; et comme toutes les cavernes sous-marines ne sont pas encore, à beaucoup près, entièrement écroulées, il est plus que probable que l’espace des mers, s’approfondissant de plus en plus, se rétrécira par la surface, et que par conséquent l’étendue de tous les continents terrestres continuera toujours d’augmenter par la retraite et l’abaissement des eaux.

Une seconde cause, plus puissante que la première, concourt avec elle pour produire le même effet ; c’est la rupture et l’affaissement des cavernes par l’effort des feux sous-marins. Il est certain qu’il ne se fait aucun mouvement, aucun affaissement dans le fond de la mer que sa surface ne baisse ; et si nous considérons, en général, les effets des feux souterrains, nous reconnaîtrons que dès qu’il y a du feu la commotion de la terre ne se borne point à de simples trépidations ; mais que l’effort du feu soulève, entr’ouvre la mer et la terre par des secousses violentes et réitérées, qui non seulement renversent et détruisent les terres voisines, mais encore ébranlent celles qui sont éloignées, et ravagent ou bouleversent tout ce qui se trouve sur la route de leur direction.

Ces tremblements de terre, causés par les feux souterrains, précèdent ordinairement les éruptions des volcans et cessent avec elles, et quelquefois même au moment où ce feu renfermé s’ouvre un passage dans les flancs de la terre et porte sa flamme dans les airs. Souvent aussi ces tremblements épouvantables continuent tant que les éruptions durent ; ces deux effets sont intimement liés ensemble, et jamais il ne se fait une grande éruption dans un volcan, sans qu’elle ait été précédée, ou du moins accompagnée d’un tremblement de terre ; au lieu que très souvent on ressent des secousses même assez violentes sans éruption de feu : ces mouvements, où le feu n’a point de part, proviennent non seulement de la première cause que nous avons indiquée, c’est-à-dire de l’écroulement des cavernes, mais aussi de l’action des vents et des orages souterrains. On a nombre d’exemples de terres soulevées ou affaissées par la force de ces vents intérieurs. M. le chevalier Hamilton, homme aussi respectable par son caractère qu’admirable par l’étendue de ses connaissances et de ses recherches en ce genre, m’a dit avoir vu entre Trente et Vérone, près du village de Roveredo, plusieurs monticules composés de grosses masses de pierres calcaires qui ont été évidemment soulevées par diverses explosions causées par des vents souterrains ; il n’y a pas le moindre indice de l’action du feu sur ces rochers ni sur leurs fragments ; tout le pays des deux côtés du grand chemin, dans une longueur de près d’une lieue, a été bouleversé de place en place par ces prodigieux efforts des vents sou-