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de Jamuscha, en Sibérie ; ce lac, qui est à peu près rond, n’a qu’environ neuf lieues de circonférence. Ses bords sont couverts de sel, et le fond est revêtu de cristaux de sel. L’eau est salée au suprême degré ; et quand le soleil y donne, le lac paraît rouge comme une belle aurore. Le sel est blanc comme neige et se forme en cristaux cubiques. Il y en a une quantité si prodigieuse, qu’en peu de temps on pourrait en charger un grand nombre de vaisseaux, et dans les endroits où l’on en prend, on en retrouve d’autre cinq à six jours après. Il suffit de dire que les provinces de Tobolsk et Jéniseïk en sont approvisionnées, et que ce lac suffirait pour fournir cinquante provinces semblables. La couronne s’en est réservé le commerce, de même que celui de toutes les autres salines. Ce sel est d’une bonté parfaite ; il surpasse tous les autres en blancheur, et on n’en trouve nulle part d’aussi propre pour saler la viande. Dans le midi de l’Asie, on trouve aussi des lacs salés : un près de l’Euphrate, un autre près de Barra. Il y en a encore, à ce qu’on dit, près d’Haleb et dans l’île de Chypre à Larneca : ce dernier est voisin de la mer. La vallée de sel de Barra, n’étant pas loin de l’Euphrate, pourrait être labourée, si l’on en faisait couler les eaux dans ce fleuve, et que le terrain fût bon ; mais à présent cette terre rend un bon sel pour la cuisine, et même en si grande quantité que les vaisseaux de Bengale le chargent en retour pour lest[1].





ADDITIONS ET CORRECTIONS

À L’ARTICLE QUI A POUR TITRE : DES INÉGALITÉS DU FOND DE LA MER ET DES COURANTS.



I. — Sur la nature et la qualité des terrains du fond de la mer.

M. l’abbé Dicquemare, savant physicien, a fait sur ce sujet des réflexions et quelques observations particulières qui me paraissent s’accorder parfaitement avec ce que j’en ai dit dans ma Théorie de la Terre.

« Les entretiens avec des pilotes de toutes langues, la discussion des cartes et des sondes écrites, anciennes et récentes, l’examen des corps qui s’attachent à la sonde, l’inspection des rivages, des bancs, celle des couches qui forment l’intérieur de la terre, jusqu’à une profondeur à peu près semblable à la longueur des lignes des sondes les plus ordinaires, quelques réflexions sur ce que la physique, la cosmographie et l’histoire naturelle ont de plus analogue avec cet objet, nous ont fait soupçonner, nous ont même persuadé, dit M. l’abbé Dicquemare, qu’il doit exister, dans bien des parages, deux fonds différents, dont l’un recouvre souvent l’autre par intervalles. Le fond ancien ou permanent, qu’on peut nommer fond général, et le fond accidentel ou particulier. Le premier, qui doit faire la base d’un tableau général, est le sol même du bassin de la mer. Il est composé des mêmes couches que nous trouvons partout dans le sein de la terre, telles que la marne, la pierre, la glaise, le sable, les coquillages, que nous voyons disposés horizontalement, d’une épaisseur égale, sur une fort grande étendue. Ici, ce sera un fond de marne ; là, un de glaise, de sable, de roches. Enfin, le nombre des fonds généraux qu’on peut discerner par la sonde, ne va guère qu’à six ou sept espèces. Les plus étendues et les plus épaisses de ces couches, se trouvant découvertes ou coupées en biseau, forment dans la mer de grands espaces, où l’on doit reconnaître le fond géné-

  1. Description de l’Arabie, par M. Niebuhr, p. 2.