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IV. — Sur la mer Caspienne.

À tout ce que j’ai dit pour prouver que la mer Caspienne n’est qu’un lac qui n’a point de communication avec l’Océan et qui n’en a jamais fait partie, je puis ajouter une réponse que j’ai reçue de l’Académie de Pétersbourg à quelques questions que j’avais faites au sujet de cette mer.

« Augusto 1748, octobr. 5, etc. Cancellaria Academiæ Scientiarum mandavit, ut Astrachanensis Gubernii Cancellaria responderet ad sequentia. 1. Sunt ne vortices in mari Caspico, nec ne ? 2. Quæ genera piscium illud inhabitant ? Quomodo appellantur ? Et an marini tantùm aut et fluviatiles ibidem reperiantur ? 3. Qualia genera concharum ? Quæ species ostrearum et cancrorum occurunt ? 4. Quæ genera marinarum avium in ipso mari aut circa illud versantur ? ad quæ Astrachensis Cancellaria d. 13 mart., 1719, sequentibus respondit.

» Ad 1, in mari Caspico vortices occurunt nusquam : hinc est, quod nec in mappis marinis extant, nec ab ullo officialium rei navalis visi esse perhibentur ;

» Ad 2, pisces Caspium mare inhabitant : Acipenseres, Sturioli (Gmelin), Siruli, Cyprini clavati, Bramæ Percæ, Cyprini ventre acuto, ignoti alibi pisces, Tincæ, Salmones, qui, ut è mari fluvios intrare, ita et in mare è fluviis remeare solent ;

» Ad 3, Conchæ in littoribus maris obviæ quidem sunt, sed parvæ, candidæ, aut ex unà parte rubræ. Cancri ad littora observantur magnitudine fluviatilibus similes ; Ostreæ autem et Capita Medusæ visa sunt nusquam ;

» Ad 4, aves marinæ quæ circa mare Caspium versantur sunt Anseres vulgares et rubri, Pelicani, Cygni, Anates rubræ et nigricantes Aquilæ, Corvi aquatici, Grues, Plateæ, Ardeæ albæ, cinereæ et nigricantes, Ciconiæ albæ gruibus similes, Karawaiki (ignotum avis nomen), Larorum variæ species, Sturni nigri et lateribus albis instar picarum, Phasiani, Anseres parvi nigricantes, Tudaki (ignotum avis nomen) albo color præditi. »

Ces faits, qui sont précis et authentiques, confirment pleinement ce que j’ai avancé, savoir, que la mer Caspienne n’a aucune communication souterraine avec l’Océan, et ils prouvent de plus qu’elle n’en a jamais fait partie, puisqu’on n’y trouve point d’huîtres ni d’autres coquillages de mer, mais seulement les espèces de ceux qui sont dans les rivières. On ne doit donc regarder cette mer que comme un grand lac formé dans le milieu des terres par les eaux des fleuves, puisqu’on n’y trouve que les mêmes poissons et les mêmes coquillages qui habitent les fleuves, et point du tout ceux qui peuplent l’Océan ou la Méditerranée.


V. — Sur les lacs salés de l’Asie.

Dans la contrée des Tartares Ufiens, ainsi appelés parce qu’ils habitent les bords de la rivière d’Uf, il se trouve, dit M. Pallas, des lacs dont l’eau est aujourd’hui salée et qui ne l’était pas autrefois. Il dit la même chose d’un lac près de Miacs, dont l’eau était ci-devant douce et qui est actuellement salée.

L’un des lacs les plus fameux, par la quantité de sel qu’on en tire, est celui qui se trouve vers les bords de la rivière Isel, et que l’on nomme Soratschya. Le sel en est en général amer ; la médecine l’emploie comme un bon purgatif : deux onces de ce sel forment une dose très forte. Vers Kurtenegsch, les bas-fonds se couvrent d’un sel amer qui s’élève comme un tapis de neige à deux pouces de hauteur ; le lac salé de Korjackof fournit annuellement trois cent mille pieds cubiques de sel[1] : le lac de Jennu en donne aussi en abondance.

Dans les voyages de MM. de l’Académie de Pétersbourg, il est fait mention du lac salé

  1. Le pied cubique pèse trente-cinq livres, de seize onces chacune.