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L’une des principales causes des changements qui arrivent sur la terre, c’est le mouvement de la mer, mouvement qu’elle a éprouvé de tout temps ; car, dès la création, il y a eu le soleil, la lune, la terre, les eaux, l’air, etc., dès lors le flux et le reflux, le mouvement d’orient en occident, celui des vents et des courants se sont fait sentir, les eaux ont eu dès lors les mêmes mouvements que nous remarquons aujourd’hui dans la mer ; et quand même on supposerait que l’axe du globe aurait eu une autre inclinaison et que les continents terrestres aussi bien que les mers auraient eu une autre disposition, cela ne détruit point le mouvement du flux et du reflux, non plus que la cause et l’effet des vents ; il suffit que l’immense quantité d’eau qui remplit le vaste espace des mers se soit trouvée rassemblée quelque part sur le globe de la terre, pour que le flux et le reflux, et les autres mouvements de la mer, aient été produits.

Lorsqu’une fois on a commencé à soupçonner qu’il se pouvait bien que notre continent eût autrefois été le fond d’une mer ; on se le persuade bientôt à n’en pouvoir douter ; d’un côté ces débris de la mer qu’on trouve partout, de l’autre la situation horizontale des couches de la terre, et enfin cette disposition des collines et des montagnes qui se correspondent, me paraissent autant de preuves convaincantes ; car, en considérant les plaines, les vallées, les collines, on voit clairement que la surface de la terre a été figurée par les eaux ; en examinant l’intérieur des coquilles qui sont renfermées dans les pierres, on reconnaît évidemment que ces pierres se sont formées par le sédiment des eaux, puisque les coquilles sont remplies de la matière même de la pierre qui les environne ; et enfin en réfléchissant sur la forme des collines dont les angles saillants répondent toujours aux angles rentrants des collines opposées, on ne peut pas douter que cette direction ne soit l’ouvrage des courants de la mer : à la vérité, depuis que notre continent est découvert, la forme de la surface a un peu changé, les montagnes ont diminué de hauteur, les plaines se sont élevées, les angles des collines sont devenus plus obtus, plusieurs matières entraînées par les fleuves se sont arrondies, il s’est formé des couches de tuf, de pierre molle, de gravier, etc. ; mais l’essentiel est demeuré, la forme ancienne se reconnaît encore, et je suis persuadé que tout le monde peut se convaincre par ses yeux de tout ce que nous avons dit à ce sujet, et que quiconque aura bien voulu suivre nos observations et nos preuves, ne doutera pas que la terre n’ait été autrefois sous les eaux de la mer, et que ce ne soient les courants de la mer qui aient donné à la surface de la terre la forme que nous voyons.

Le mouvement principal des eaux de la mer est, comme nous l’avons dit, d’orient en occident : aussi il nous paraît que la mer a gagné sur les côtes orientales, tant de l’ancien que du nouveau continent, un espace d’environ 500 lieues. On doit se souvenir des preuves que nous en avons données dans l’article xi, et nous pouvons y ajouter que tous les détroits qui joignent les mers sont dirigés d’orient en occident : le détroit de Magellan, les deux détroits de Frobisher, celui de Hudson, le détroit de l’île de Ceylan, ceux de la mer de Corée et de Kamtschatka ont tous cette direction et paraissent avoir été formés par l’irruption des eaux qui, étant poussées d’orient en occident, se sont ouvert ces passages dans la même direction dans laquelle elles éprouvent aussi un mouvement plus considérable que dans toutes les autres directions ; car il y a dans tous ces détroits des marées très violentes, au lieu que dans ceux qui sont situés sur les côtes occidentales, comme l’est celui de Gibraltar, celui du Sund, etc., le mouvement des marées est presque insensible.

Les inégalités du fond de la mer changent la direction du mouvement des eaux ; elles ont été produites successivement par les sédiments de l’eau et par les matières qu’elle a transportées, soit par son mouvement de flux et de reflux, soit par d’autres mouvements ; car nous ne donnons pas pour cause unique de ces inégalités le mouvement du flux et du reflux, nous avons seulement donné cette cause comme la princi-