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longueur sans aucune interruption ; ces énormes blocs sont tous d’une seule pierre continue. Il paraît que ces masses de granit ont été travaillées dans la carrière même, et qu’on leur donnait telle épaisseur que l’on voulait, à peu près comme nous voyons que dans les carrières de grès qui sont un peu profondes on tire des blocs de telle épaisseur que l’on veut. Il y a d’autres matières où ces fentes perpendiculaires sont fort étroites ; par exemple, elles sont fort étroites dans l’argile, dans la marne, dans la craie ; elles sont au contraire plus larges dans les marbres et dans la plupart des pierres dures. Il y en a qui sont imperceptibles et qui sont remplies d’une matière à peu près semblable à celle de la masse où elles se trouvent, et qui cependant interrompent la continuité des pierres, c’est ce que les ouvriers appellent des poils ; lorsqu’ils débitent un grand morceau de pierre et qu’ils le réduisent à une petite épaisseur, comme à un demi-pied, la pierre se casse dans la direction de ce poil : j’ai souvent remarqué, dans le marbre et dans la pierre, que ces poils traversent le bloc tout entier ; ainsi ils ne diffèrent des fentes perpendiculaires que parce qu’il n’y a pas solution totale de continuité. Ces espèces de fentes sont remplies d’une matière transparente, et qui est du vrai sparr. Il y a un grand nombre de fentes considérables entre les différents rochers qui composent les carrières de grès ; cela vient de ce que ces rochers portent souvent sur des bases moins solides que celles des marbres ou des pierres calcinables, qui portent ordinairement sur des glaises, au lieu que les grès ne sont le plus souvent appuyés que sur du sable extrêmement fin : aussi y a-t-il beaucoup d’endroits où l’on ne trouve pas les grès en grande masse ; et dans la plupart des carrières où l’on tire le bon grès, on peut remarquer qu’il est en cubes et en parallélipipèdes posés les uns sur les autres d’une manière assez irrégulière, comme dans les collines de Fontainebleau, qui de loin paraissent être des ruines de bâtiments. Cette disposition irrégulière vient de ce que la base de ces collines est de sable, et que les masses de grès se sont éboulées, renversées et affaissées les unes sur les autres, surtout dans les endroits où on a travaillé autrefois pour tirer du grès, ce qui a formé un grand nombre de fentes et d’intervalles entre les blocs ; et si on y veut faire attention, on remarquera dans tous les pays de sable et de grès qu’il y a des morceaux de rochers et de grosses pierres dans le milieu des vallons et des plaines en très grande quantité, au lieu que dans les pays de marbre et de pierre dure, ces morceaux dispersés et qui ont roulé du dessus des collines et du haut des montagnes sont fort rares, ce qui ne vient que de la différente solidité de la base sur laquelle portent ces pierres, et de l’étendue des bancs de marbre et des pierres calcinables, qui est plus considérable que celle des grès.





ARTICLE XVIII

DE L’EFFET DES PLUIES, DES MARÉCAGES, DES BOIS SOUTERRAINS, DES EAUX SOUTERRAINES.



Nous avons dit que les pluies, et les eaux courantes qu’elles produisent, détachent continuellement du sommet et de la croupe des montagnes les sables, les terres, les graviers, etc., et qu’elles les entraînent dans les plaines, d’où les rivières et les fleuves en charrient une partie dans les plaines plus basses, et souvent jusqu’à la mer ; les plaines se remplissent donc successivement et s’élèvent peu à peu, et les montagnes diminuent tous les jours et s’abaissent continuellement, et dans plusieurs endroits on s’est aperçu de cet abaissement. Joseph Blancanus rapporte sur cela des faits qui étaient de notoriété