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leurs yeux, passèrent tout ce temps exposés aux injures de l’air. Une ville entière, nommée Villa-Finança, fut renversée jusqu’aux fondements, et la plupart de ses habitants écrasés sous les ruines. Dans plusieurs endroits, les plaines s’élevèrent en collines, et dans d’autres quelques montagnes s’aplanirent ou changèrent de situation ; il sortit de la terre une source d’eau vive qui coula pendant quatre jours et qui parut ensuite sécher tout d’un coup ; l’air et la mer, encore plus agités, retentissaient d’un bruit qu’on aurait pris pour le mugissement de quantité de bêtes féroces ; plusieurs personnes mouraient d’effroi ; il n’y eut point de vaisseaux dans les ports mêmes qui ne souffrissent des atteintes dangereuses, et ceux qui étaient à l’ancre ou à la voile, à 20 lieues aux environs des îles, furent encore plus maltraités. Les tremblements de terre sont fréquents aux Açores : vingt ans auparavant,il en était arrivé un dans l’île de Saint-Michel, qui avait renversé une montagne fort haute. » (Voyez Hist. génér. des voyag., t. 1er , p. 325.) « Il s’en fit un à Manille au mois de septembre 1627, qui aplanit une des deux montagnes qu’on appelle Carvallos, dans la province de Cagayan : en 1645, la troisième partie de la ville fut ruinée par un pareil accident, et trois cents personnes y périrent ; l’année suivante, elle en souffrit encore un autre ; les vieux Indiens disent qu’ils étaient autrefois plus terribles, et qu’à cause de cela on ne bâtissait les maisons que de bois, ce que font aussi les Espagnols, depuis le premier étage. La quantité de volcans qui se trouvent dans l’île confirme ce qu’on a dit jusqu’à présent, parce qu’en certains temps ils vomissent des flammes, ébranlent la terre et font tous ces effets que Pline attribue à ceux d’Italie, c’est-à-dire de faire changer de lit aux rivières et retirer les mers voisines, de remplir de cendres tous les environs, et d’envoyer des pierres fort loin avec un bruit semblable à celui du canon. » (Voyez le Voyage de Gemelli Careri, p. 129.)

« L’an 1646, la montagne de l’île de Machian se fendit avec des bruits et un fracas épouvantables, par un terrible tremblement de terre, accident qui est fort ordinaire en ces pays-là ; il sortit tant de feux par cette fente qu’ils consumèrent plusieurs négreries avec les habitants et tout ce qui y était ; on voyait encore, l’an 1685, cette prodigieuse fente, et apparemment elle subsiste toujours ; on la nommait l’ornière de Machian, parce qu’elle descendait du haut au bas de la montagne comme un chemin qui y aurait été creusé, mais qui de loin ne paraissait être qu’une ornière. » (Voyez l’Histoire de la Conquête des Moluques, t. III, p. 318.)

L’Histoire de l’Académie fait mention, dans les termes suivants, des tremblements de terre qui se sont faits en Italie en 1702 et 1703 : « Les tremblements commencèrent en Italie au mois d’octobre 1702, et continuèrent jusqu’au mois de juillet 1703 ; les pays qui en ont le plus souffert, et qui sont aussi ceux par où ils commencèrent, sont la ville de Norcia avec ses dépendances, dans l’État ecclésiastique et la province de l’Abruzze : ces pays sont contigus et situés au pied de l’Apennin du côté du midi.

» Souvent les tremblements ont été accompagnés de bruits épouvantables dans l’air, et souvent aussi on a entendu ces bruits sans qu’il y ait eu de tremblements, le ciel étant même fort serein. Le tremblement du 2 février 1703, qui fut le plus violent de tous, fut accompagné, du moins à Rome, d’une grande sérénité du ciel et un grand calme dans l’air ; il dura à Rome une demi-minute, et à Aquila, capitale de l’Abruzze, trois heures. Il ruina toute la ville d’Aquila, ensevelit 5 000 personnes sous les ruines, et fit un grand ravage dans les environs.

» Communément les balancements de la terre ont été du nord au sud, ou à peu près, ce qui a été remarqué par le mouvement des lampes des églises.

» Il s’est fait dans un champ deux ouvertures, d’où il est sorti avec violence une grande quantité de pierres qui l’ont entièrement couvert et rendu stérile ; après les pierres, il s’élança de ces ouvertures deux jets d’eau qui surpassaient beaucoup en hauteur les