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laquelle il est très difficile de parvenir. Il coule plusieurs ruisseaux d’eau douce qui descendent sur la croupe de cette même montagne, et, lorsque l’air est calme et que la saison est douce, ce gouffre embrasé est dans une moindre agitation que quand il fait des grands vents et des orages. (Voyez le Voyage de Schouten.) Ceci confirme ce que j’ai dit dans le Discours précédent, et semble prouver évidemment que le feu qui consume les volcans ne vient pas de la profondeur de la montagne, mais du sommet, ou du moins d’une profondeur assez petite, et que le foyer de l’embrasement n’est pas éloigné du sommet du volcan ; car, si cela n’était pas ainsi, les grands vents ne pourraient pas contribuer à leur embrasement. Il y a quelques autres volcans dans les Moluques. Dans l’une des îles Maurice, à 70 lieues des Moluques, il y a un volcan dont les effets sont aussi violents que ceux de la montagne de Ternate. L’île de Sorca, l’une des Moluques, était autrefois habitée ; il y avait au milieu de cette île un volcan, qui était une montagne très élevée. En 1693, ce volcan vomit du bitume et des matières enflammées en si grande quantité qu’il se forma un lac ardent qui s’étendit peu à peu, et toute l’île fut abîmée et disparut. (Voyez Trans. Phil. Abr., v. II, p. 391.) Au Japon, il y a aussi plusieurs volcans, et dans les îles voisines du Japon les navigateurs ont remarqué plusieurs montagnes dont les sommets jettent des flammes pendant la nuit et de la fumée pendant le jour. Aux îles Philippines, il y a aussi plusieurs montagnes ardentes. Un des plus fameux volcans des îles de l’Océan Indien, et en même temps un des plus nouveaux, est celui qui est près de la ville de Panarucan, dans l’île de Java ; il s’est ouvert en 1586 ; on n’avait pas mémoire qu’il eût brûlé auparavant, et à la première éruption il poussa une énorme quantité de soufre, de bitume et de pierres. La même année, le mont Gounapi, dans l’île de Banda, qui brûlait seulement depuis dix-sept ans, s’ouvrit et vomit avec un bruit affreux des rochers et des matières de toute espèce. Il y a encore quelques autres volcans dans les Indes, comme à Sumatra et dans le nord de l’Asie au delà du fleuve Jéniscéa et de la rivière de Pésida ; mais ces deux derniers volcans ne sont pas bien reconnus.

En Afrique, il y a une montagne, ou plutôt une caverne appelée Beni-Guazeval, auprès de Fez, qui jette toujours de la fumée et quelquefois des flammes. L’une des îles du cap Vert, appelée l’île de Fuogue, n’est qu’une grosse montagne qui brûle continuellement ; ce volcan rejette, comme les autres, beaucoup de cendres et de pierres ; et les Portugais, qui ont plusieurs fois tenté de faire des habitations dans cette île, ont été contraints d’abandonner leur projet par la crainte des effets du volcan. Aux Canaries, le pic de Ténériffe, autrement appelé la montagne de Teyde, qui passe pour être l’une des plus hautes montagnes de la terre, jette du feu, des cendres et de grosses pierres ; du sommet coulent des ruisseaux de soufre fondu, du côté du sud, à travers les neiges ; ce soufre se coagule bientôt et forme des veines dans la neige, qu’on peut distinguer de fort loin.

En Amérique, il y a un grand nombre de volcans, et surtout dans les montagnes du Pérou et du Mexique : celui d’Aréquipa est un des plus fameux ; il cause souvent des tremblements de terre, plus communs dans le Pérou que dans aucun autre pays du monde. Le volcan de Carrapa et celui de Malahallo sont, au rapport des voyageurs, les plus considérables après celui d’Aréquipa ; mais il y en a beaucoup d’autres dont on n’a pas une connaissance exacte. M. Bouguer, dans la relation qu’il a donnée de son voyage au Pérou dans le volume des Mémoires de l’Académie de l’année 1744, fait mention de deux volcans, l’un appelé Cotopaxi, et l’autre Pichincha ; le premier est à quelque distance, et l’autre est très voisin de la ville de Quito : il a même été témoin d’un incendie du Cotopaxi, en 1742, et de l’ouverture qui se fit dans cette montagne d’une nouvelle bouche à feu. Cette éruption ne fit cependant d’autre mal que celui de fondre les neiges de la montagne et de produire ainsi des torrents d’eau si abondants, qu’en moins de trois heures ils inondèrent un pays de 18 lieues d’étendue, et renversèrent tout ce qui se trouva sur leur passage.