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l’air d’orient en occident, ce mouvement est tout à fait insensible en comparaison de celui que la chaleur du soleil doit produire en raréfiant l’air ; et, comme la raréfaction sera toujours plus grande dans les endroits où le soleil est au zénith, il est clair que le courant d’air doit suivre le soleil et former un vent constant et général d’orient en occident : ce vent souffle continuellement sur la mer dans la zone torride et dans la plupart des endroits de la terre entre les tropiques ; c’est le même vent que nous sentons au lever du soleil, et en général les vents d’est sont bien plus fréquents et bien plus impétueux que les vents d’ouest ; ce vent général d’orient en occident s’étend même au delà des tropiques, et il souffle si constamment dans la mer Pacifique, que les navires qui vont d’Acapulco aux Philippines font cette route, qui est de plus de 2 700 lieues, sans aucun risque, et, pour ainsi dire, sans avoir besoin d’être dirigés : il en est de même de la mer Atlantique entre l’Afrique et le Brésil, ce vent général y souffle constamment ; il se fait sentir aussi entre les Philippines et l’Afrique, mais d’une manière moins constante, à cause des îles et des différents obstacles qu’on rencontre dans cette mer, car il souffle pendant les mois de janvier, février, mars et avril, entre la côte de Mozambique et l’Inde ; mais pendant les autres mois il cède à d’autres vents ; et quoique ce vent d’est soit moins sensible sur les côtes qu’en pleine mer, et encore moins dans le milieu des continents que sur les côtes de la mer, cependant il y a des lieux où il souffle presque continuellement, comme sur les côtes orientales du Brésil, sur les côtes de Loango en Afrique, etc.

Ce vent d’est, qui souffle continuellement sous la ligne, fait que, lorsqu’on part d’Europe pour aller en Amérique, on dirige le cours du vaisseau du nord au sud dans la direction des côtes d’Espagne et d’Afrique jusqu’à 20 degrés en deçà de la ligne, où l’on trouve ce vent d’est qui vous porte directement sur les côtes d’Amérique ; et de même dans la mer Pacifique l’on fait en deux mois le voyage de Callao ou d’Acapulco aux Philippines à la faveur de ce vent d’est, qui est continuel ; mais le retour des Philippines, à Acapulco est plus long et plus difficile. À 28 ou 30 degrés de ce côté-ci de la ligne, on trouve des vents d’ouest assez constants, et c’est pour cela que les vaisseaux qui reviennent des Indes occidentales en Europe ne prennent pas la même route pour aller et pour revenir ; ceux qui viennent de la Nouvelle-Espagne font voile le long des côtes et vers le nord jusqu’à ce qu’ils arrivent à la Havane dans l’île de Cuba, et de là ils gagnent du côté du nord pour trouver les vents d’ouest qui les amènent aux Açores et ensuite en Espagne ; de même, dans la mer du Sud, ceux qui reviennent des Philippines ou de la Chine au Pérou ou au Mexique gagnent le nord jusqu’à la hauteur du Japon, et naviguent sous ce parallèle jusqu’à une certaine distance de Californie, d’où, en suivant la côte de la Nouvelle-Espagne, ils arrivent à Acapulco. Au reste ces vents d’est ne soufflent pas toujours du même point, mais en général ils sont au sud-est depuis le mois d’avril jusqu’au mois de novembre, et ils sont au nord-est depuis novembre jusqu’en avril.

Le vent d’est contribue par son action à augmenter le mouvement général de la mer d’orient en occident ; il produit aussi des courants qui sont constants et qui ont leur direction, les uns de l’est à l’ouest, les autres de l’est au sud-ouest ou au nord-ouest, suivant la direction des éminences et des chaînes de montagnes qui sont au fond de la mer, dont les vallées ou les intervalles qui les séparent servent de canaux à ces courants ; de même les vents alternatifs, qui soufflent tantôt de l’est et tantôt de l’ouest, produisent aussi des courants qui changent de direction en même temps que ces vents en changent aussi.

Les vents qui soufflent constamment pendant quelques mois sont ordinairement suivis de vents contraires, et les navigateurs sont obligés d’attendre celui qui leur est favorable ; lorsque ces vents viennent à changer, il y a plusieurs jours, et quelquefois un mois ou deux de calme ou de tempêtes dangereuses.

Ces vents généraux, causés par la raréfaction de l’atmosphère, se combinent différem-