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dit : je demande seulement qu’on examine, en voyageant, la position des collines opposées et les avances qu’elles font dans les vallons, on se convaincra par ses yeux que le vallon était le lit, et les collines les bords des courants, car les côtés opposés des collines se correspondent exactement, comme les deux bords d’un fleuve. Dès que les collines à droite du vallon font une avance, les collines à gauche du vallon font une gorge ; ces collines ont aussi, à très peu près, la même élévation, et il est très rare de voir une grande inégalité de hauteur dans deux collines opposées et séparées par un vallon : je puis assurer que plus j’ai regardé les contours et les hauteurs des collines, plus j’ai été convaincu de la correspondance des angles, et de cette ressemblance qu’elles ont avec les lits et les bords des rivières, et c’est par des observations réitérées sur cette régularité surprenante et sur cette ressemblance frappante, que mes premières idées sur la théorie de la terre me sont venues : qu’on ajoute à cette observation celle des couches parallèles et horizontales et celle des coquillages répandus dans toute la terre et incorporés dans toutes les différentes matières, et on verra s’il peut y avoir plus de probabilité dans un sujet de cette espèce.





ARTICLE XIV

DES VENTS RÉGLÉS



Rien ne paraît plus irrégulier et plus variable que la force et la direction des vents dans nos climats ; mais il y a des pays où cette irrégularité n’est pas si grande, et d’autres où le vent souffle constamment dans la même direction et presque avec la même force.

Quoique les mouvements de l’air dépendent d’un grand nombre de causes, il y en a cependant de principales dont on peut estimer les effets, mais il est difficile de juger des modifications que d’autres causes secondaires peuvent y apporter. La plus puissante de toutes ces causes est la chaleur du soleil, laquelle produit successivement une raréfaction considérable dans les différentes parties de l’atmosphère, ce qui fait le vent d’est, qui souffle constamment entre les tropiques, où la raréfaction est la plus grande.

La force d’attraction du soleil, et même celle de la lune sur l’atmosphère, sont des causes dont l’effet est insensible en comparaison de celle dont nous venons de parler ; il est vrai que cette force produit dans l’air un mouvement semblable à celui du flux et du reflux dans la mer, mais ce mouvement n’est rien en comparaison des agitations de l’air qui sont produites par la raréfaction, car il ne faut pas croire que l’air, parce qu’il a du ressort et qu’il est huit cents fois plus léger que l’eau, doive recevoir par l’action de la lune un mouvement de flux fort considérable : pour peu qu’on y réfléchisse, on verra que ce mouvement n’est guère plus considérable que celui du flux et du reflux des eaux de la mer ; car la distance à la lune étant supposée la même, une mer d’eau ou d’air, ou de telle autre matière fluide qu’on voudra imaginer, aura à peu près le même mouvement, parce que la force qui produit ce mouvement pénètre la matière et est proportionnelle à sa quantité ; ainsi une mer d’eau, d’air ou de vif-argent s’élèverait à peu près à la même hauteur par l’action du soleil et de la lune, et dès lors on voit que le mouvement que l’attraction des astres peut causer dans l’atmosphère n’est pas assez considérable pour produire une grande agitation[1] ; et, quoiqu’elle doive causer un léger mouvement de

  1. L’effet de cette cause a été déterminé géométriquement dans différentes hypothèses et calculé par M. d’Alembert. (Voyez Réflexions sur la cause générale des vents, Paris, 1747.)