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mer Méditerranée, quoique les ouvertures qu’elles présentent à l’océan soient directement opposées au mouvement des eaux d’orient en occident, ce qui devrait contribuer à rendre ce mouvement sensible dans le golfe du Mexique ; mais, comme cette mer méditerranée est fort large, le mouvement du flux et reflux qui lui est communiqué par l’océan, se répandant sur un aussi grand espace, perd une grande partie de sa vitesse et devient presque insensible à la côte de la Louisiane et dans plusieurs autres endroits.

L’ancien et le nouveau continent paraissent donc tous les deux avoir été rongés par l’océan à la même hauteur et à la même profondeur dans les terres ; tous deux ont ensuite une vaste mer méditerranée et une grande quantité d’îles qui sont encore situées à peu près à la même hauteur : la seule différence est que l’ancien continent étant beaucoup plus large que le nouveau, il y a dans la partie occidentale de cet ancien continent une mer méditerranée occidentale qui ne peut pas se trouver dans le nouveau continent ; mais il paraît que tout ce qui est arrivé aux terres orientales de l’ancien monde est aussi arrivé de même aux terres orientales du nouveau monde, et que c’est à peu près dans leur milieu et à la même hauteur que s’est faite la plus grande destruction des terres, parce qu’en effet c’est dans ce milieu et près de l’équateur qu’est le plus grand mouvement de l’océan.

Les côtes de la Guyane, comprises entre l’embouchure du fleuve Orénoque et celle de la rivière des Amazones, n’offrent rien de remarquable ; mais cette rivière, la plus large de l’univers, forme une étendue d’eau considérable auprès de Coropa, avant que d’arriver à la mer par deux bouches différentes qui forment l’île de Caviana. De l’embouchure de la rivière des Amazones jusqu’au cap Saint-Roch, la côte va presque droit de l’ouest à l’est ; du cap Saint-Roch au cap Saint-Augustin, elle va du nord au sud, et du cap Saint-Augustin à la baie de Tous-les-Saints elle retourne vers l’ouest ; en sorte que cette partie du Brésil fait une avance considérable dans la mer, qui regarde directement une pareille avance de terre que fait l’Afrique en sens opposé. La baie de Tous-les-Saints est un petit bras de l’océan qui a environ cinquante lieues de profondeur dans les terres, et qui est fort fréquenté des navigateurs. De cette baie jusqu’au cap de Saint-Thomas, la côte va droit du nord au midi, et ensuite dans une direction sud-ouest jusqu’à l’embouchure du fleuve de la Plata, où la mer fait un petit bras qui remonte à près de cent lieues dans les terres. De là à l’extrémité de l’Amérique, l’océan paraît faire un grand golfe terminé par les terres voisines de la Terre-de-Feu, comme l’île Falkland, les terres du cap de l’Assomption, l’île Beauchêne et les terres qui forment le détroit de la Roche, découvert en 1671 ; on trouve au fond de ce golfe le détroit de Magellan, qui est le plus long de tous les détroits, et où le flux et reflux est extrêmement sensible ; au delà est celui de Le Maire, qui est plus court et plus commode, et enfin le cap Horn, qui est la pointe du continent de l’Amérique méridionale.

On doit remarquer, au sujet de ces pointes formées par les continents, qu’elles sont toutes posées de la même façon ; elles regardent toutes le midi, et la plupart sont coupées par des détroits qui vont de l’orient à l’occident : la première est celle de l’Amérique méridionale, qui regarde le midi ou le pôle austral, et qui est coupée par le détroit de Magellan ; la seconde est celle du Groenland, qui regarde aussi directement le midi, et qui est coupée de même de l’est à l’ouest par les détroits de Frobisher ; la troisième est celle de l’Afrique, qui regarde aussi le midi, et qui a au delà du cap de Bonne-Espérance des bancs et des hauts-fonds qui paraissent en avoir été séparés ; la quatrième est la pointe de la presqu’île de l’Inde, qui est coupée par un détroit qui forme l’île de Ceylan, et qui regarde le midi, comme toutes les autres. Jusqu’ici nous ne voyons pas qu’on puisse donner la raison de cette singularité, et dire pourquoi les pointes de toutes les grandes presqu’îles sont toutes tournées vers le midi, et presque toutes coupées à leurs extrémités par des détroits.